Depuis le début du confinement je ne sortais plus de chez moi. Je ne comprenais rien à leurs consignes, à quoi avait-on droit exactement ? Alors je restais à la maison, et, privée de ma délicieuse dose d’endorphines liées à la pratique de la nage et de la marche sous le ciel bleu et sous la pluie, je déprimais avec méthode.
Puis je vous ai écrit et cela m’a fait du bien. Je crois que c'était après la BD que j’ai lue sur le blog de Saby, enfin plutôt un lien qu’elle a mis, celui-ci : CLIC.
J’ai beaucoup aimé les dessins, alors je me suis mise à lire sans méfiance, et d’un seul coup toutes mes vannes ont lâché, je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer.
Ensuite vous m’avez écrit. C’était des bonbons à sucer. J’ai séché mes larmes, j’ai redressé la tête, j’ai pris ma liste du jour (j’ai toujours adoré les listes, chez moi il y en a dans tous les coins) et, après avoir relu les consignes sur l’autorisation de sortie, j’ai écrit : sortir un peu.
J’avais décidé d’aller jusqu’aux champs. C’est un des endroits de ma ville où je vais d’habitude en étant sûre de n’y croiser personne.
Comme il faut s’y attendre, ce ne fut pas le cas. Pour m’y rendre j’ai croisé des gens, seul ou à deux, chacun, moi y compris, marchant au milieu de la route (j’habite une petite ville où il y a peu de circulation en temps habituel), de manière à gagner chacun son trottoir quand on se croisait. J’avais le cœur qui battait. Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour, j’aurais eu une envie folle de croiser un piéton normalement.
Quand j’ai emménagé ici, on avait vue sur des champs, des champs, des champs (maïs, petits pois). Maintenant, à la place des champs, on a vue sur des immeubles (avec, en ce moment, plein de gens confinés dedans).
Je traverse la cité, suivant le principe dit plus haut (milieu de route, trottoir opposé, etc).
Me voilà face à mes champs. Oui, je sais, je suis possessive. C’est comme ça.
Je me gave de leur vue. Je me gave du ciel. Je pense à Marie, je pense à toutes les personnes mal loties.
Je pense au mail que nous a envoyé la prof de yoga, à se répéter en boucle jour et nuit, pour soi et pour toute la Planète : "Ça va aller de mieux en mieux. Ça va aller de mieux en mieux."
Sur le chemin un couple de femmes arrive en face. Zut. Le chemin est étroit, je fais demi-tour ; au bout d’un moment, je jette un œil derrière moi, les deux femmes ont bifurqué, je refais demi-tour et reprends ma marche.
Allons bon, un homme maintenant ; tant pis, on se croise, chacun de son côté. Est-ce que le chemin fait un mètre de large ? Je n’en ai aucune idée.
Au retour, je m’arrête devant un forsythia. Je me gave de son jaune d’or, de sa chaleur. Mon père en avait un dans son petit jardin.
Courte mais rassérénante, cette petite balade. Ça m’a fait du bien, et hier, j’ai recommencé.
Puis, comme je ne pleurais plus, je me suis mise à penser.
Au début de l’année, j’avais pris des nouvelles de mon parent du Nord (le fils de ma cousine âgée que j’aimais tant), il était malade, une sorte de bronchite, il avait peur d’avoir le coronavirus, il en mourrait c’est sûr. De quoi parlait-il ? m’étais-je demandé. Je l’avais trouvé bien déprimé.
Une semaine plus tard je l’ai rappelé (je savais son traitement terminé), il était guéri.
En février, le virus s’était propagé. On n’en parlait toujours pas. Ou si peu.
Pour ma part, j’avais commencé à ralentir ma chère piscine, car s’il y a bien un endroit où les virus prennent leur pied, c’est la piscine ! Surtout depuis que, pour une raison totalement incompréhensible pour moi, on n’y met plus d’eau de Javel! (Des gens ont-ils râlé à cause de l’odeur ? Ou parce que ça piquait leurs petits yeux ?)
C’est comme ça que je me suis dit que finalement, les balades, même courtes, même pas loin, ce n’est pas une bonne idée, puisque ce n’est ni indispensable ni de "première nécessité".
Donc, deuxième jour : je regarde pousser le forsythia de mon voisin, et j’en éprouve du bien-être.