Bah dis donc ! Hier matin ce n’était pas la grande forme ! Je devrais lever le pied sur les nuits blanches, ce n’est plus de mon âge ! Mais aussi, je suis en plein sevrage ! Vous savez de quoi !
Je n’arrive pas à m’y faire, elle me manque, elle me manque, elle me manque ! Au point – ça en devient inquiétant – qu’hier, en rentrant de la balade, comme j’avais mal aux pieds je me suis préparé une petite bassine d’eau tiède pour les y tremper. Vous les auriez vus là-dedans ! Comme ils étaient contents ! comme ils revivaient ! Ils m’ont souri : je vous jure que c’est vrai, ils m’ont souri !
Ceci dit, à peine plongés dedans, devinez quoi, le téléphone sonne ! mais moi, quand je suis dans l’eau, je suis dans l’eau, hein ! Alors j’ai avancé comme j’ai pu, les pieds dans la cuvette. Je l’ai fait glisser jusqu’à l’endroit où s’égosillait le tel, à la façon dont on se déplace les deux jambes dans un sac. Sauf que là, pas de prise pour diriger le truc. Qui bien entendu n’en faisait qu’à sa tête. Franchement, c’est un mode de locomotion que je déconseille ! ou alors faudrait l’adapter (deux petites cuvettes avec lacets, par exemple).
C’était ma fille.
Elle venait prendre de mes nouvelles.
Je lui ai dit que j’avais les pieds dans l’eau, et qu’il avait fallu que je glisse jusqu’à l’appareil avec toute mon habileté légendaire. Elle a été rassurée : comme d’habitude, sa mère fait n’importe quoi, tout va bien.
Le thème du jour était sa possible venue en province (pour elle, au-delà de 20 kilomètres de Paris, c’est la province) afin de m’apporter mon cadeau d’anniversaire, dont je sais deux choses : il est énoOOrme, et il fond sous la pluie (cette deuxième caractéristique ayant été formulée la dernière fois qu’elle devait venir : il pleuvait. Du coup, elle est restée chez elle).
Quel truc énoOOrme peut bien fondre sous la pluie ? (pour le truc énoOOrme, j’ai bien pensé à quelque chose, mais ce n'est pas censé fondre !)
Si je n’ai pas encore la réponse, c’est parce que le week-end où elle devait venir (pont du 14 juillet, enfin celui du 11 plutôt), tous les employés de sa boîte avaient été sommés de rester chez eux pour cause de suspicion de covid d’une collègue (pour finir, c’était une gastro).
Pour en revenir à hier matin, je me sens très proche de ce que vous m’avez écrits, mes choupinous. Smouiich ! Vous êtes trop mimis. Mais il ne faut pas vous inquiéter pour moi, un matin je suis toute bouif et une heure après je ne me rappelle même plus pourquoi. Déjà petite j’étais comme ça. Ma vie n’était pas merveilleuse (en tout cas pas tout le temps), et pourtant je la trouvais fabuleuse ! J’avais de la chance, j’étais bien, je ne retenais que le bon, d’ailleurs ça n’a pas tellement changé, je ne retiens toujours que le bon. J’ai appris récemment qu’on appelle ça de la résilience, un mot que je ne connaissais même pas. Je suis bourrée de résilience, comment peut-on être déprimée en étant bourrée de résilience ?
Ma résilience et moi-même sommes allées hier marcher, comme chaque jour. Le truc, c’est qu’il faut aimer le maïs. Toujours là, stoïque. Enfin, stoïque penché. Il est très très sec. Ne couve-t-il pas une petite déprime ? Je suis inquiète ! Où donc est le paysan ? Pas dans le maïs, c’est sûr.
Hier, il était dans un champ plein de fleurs bleues. Qu’est-ce que ça pouvait bien être, ces fleurs ? D’ailleurs, j’ai pris une photo, au moment même où le tracteur qui s’éloignait a fait demi-tour pour revenir vers moi !
(le tracteur est au loin, là, au bout, vous le voyez ?)
Misère ! Il croit que je le prends en photo, lui ! Il revient pour me dire sa façon de penser ! Il imagine que j’en veux à son beau torse bronzé ! Au secours !
Une promeneuse pleine de résilience sauvagement roulocompressée par un tracteur.
Arrivé à mes pieds, vous croyez qu’il se serait prosterné ?
Même pas. Il refait demi-tour !
Pf.
Vexée !