Bonjour mes amis,
Pour changer un peu je vais vous parler de moi.
Tout a commencé il y a 17 ans, quand j’ai commencé à bloguer. Le premier site sur lequel je me suis posée, par un complètement complet pur et total hasard, était un site de, disons, de méditation, où on parlait de choses aussi merveilleuses et sublimes que de se détacher de tout, chose totalement abstraite pour ma petite cervelle de nana très attachée à tout et à tout le monde et encore très entourée, vu que ça n’avait pas encore été la totale hécatombe autour de moi. Et puis quand on a les choses et les gens autour de soi, on ne pense absolument jamais à ce que ça ferait s’ils n’étaient plus là et encore moins que ça pourrait changer un jour (ceci dit, ce n'est pas plus mal !) (de toutes façons les choses ne se passent jamais, mais alors jamais comme on pense qu’elles vont se passer).
À cette époque, je multipliais les blogs comme des petits pains pour les supprimer ensuite cruellement au gré de mes états d’âme. Je me rends compte aujourd’hui que j’avais bien de la chance de pouvoir le faire, d’avoir ce luxe de tenir encore quelques ficelles, fussent-ce celles de mes blogs.
Et puis ensuite il y a eu mes petits-enfants. Je veux dire, l’éloignement imposé de mes petits-enfants, même si j’ai plutôt envie d’écrire, la cassure, l’arrachage, l’amputage, et tout des mots merveilleux comme ça.
J’essayais de ne pas trop y penser. Ça n'aurait servi à rien d’y penser, ça n’y aurait rien changé, juste ça aurait fait un mal de chien et c’est tout. Alors je le mettais de côté. J’essayais. Évidemment, chez moi il y avait des traces de leurs traces partout, alors j’avais des images fugitives qui me traversaient la tête. Comme quant on était partis à la mer rien que nous, ma fille et moi et les trois, quelques jours à St Brieuc. Mon gendre, ça le gonflait de sortir avec les enfants, alors il était bien content que je prenne le relais. Toutes les virées qu’on a faites ensemble, et puis toutes les vacances scolaires, et puis tous les week-ends, ils étaient à la maison, au début les deux aînés, mais comme ils étaient encore petits je les faisais dormir dans ma chambre, leur petit lit de bébé de chaque côté de mon lit si bien qu’on ne pouvait plus bouger de la pièce autrement qu’en marchant sur les lits. Et puis après les trois avec leur mère... Et puis quant ils venaient dans le lit à côté de moi au petit matin, et que je leur racontais les histoires que j’écrivais exprès pour eux, et puis et puis …
Oui donc, mes petits, mes petitous, mes bouts de garçons, mes amours, oui, voilà, il y a eu un moment où au début de la séparation je ne les ai plus vus, je les avais perdus. Parce que forcément, eux au début ils se protégeaient, c’était normal. Ils n'allaient pas prendre le risque de briser l’équilibre qu’ils semblaient avoir trouvé en s’investissant dans un truc dangereux pour eux : la relation à leur grand-mère, persona non grata pour leur père. Alors au début ils ne me parlaient plus, se méfiaient, ils avaient peur .. Ils se blindaient. Enfin je parle des deux grands, le dernier ne s'exprimait encore qu'en poussant des hurlements déchirants.
Merci la vie pour cette belle et grande première leçon de détachement. Chapeau bas, jamais je n’aurais pensé à ça toute seule, et heureusement d’ailleurs car je me serais flinguée tout de suite.
Vous allez me dire, ça aurait pu se passer autrement. Des mecs bien, ça existe, des mecs qui prennent soin de leur femme et des enfants qu’ils ont eus ensemble, des mecs qui ne pensent pas qu’à eux et leur pauvre petit orgueil blessé. (Jef, je t’aime. Je t’aime pour tout le mal que tu n’as pas fait à ton ex (ma sœur) ni à tes enfants. Fin de la parenthèse.)
La même année, il y avait eu le départ de mon fils. Du jour au lendemain et à trois cent cinquante kilomètres !
OK, c’est dans l’ordre des choses que les enfants quittent le nid, le fruit se détache de l’arbre et le ver du fruit. Mais bon, il y a se détacher et se détacher, B de M !
Me revient mon propre départ de chez mes parents… Brutal et sans préavis, à ma majorité, qui venait de passer à 18 ans. C’était en avril. En juin de la même année j’étais mariée !
Maman, toi qui disais toujours que tout se paie un jour, est-ce que tu crois que c’est ça que j'ai payé ?
Bon allez, pas de rabat-oij. C’est ça qu’on veut tous, hein, que nos enfants soient bien, qu’ils vivent leur vie, qu’ils se sentent libres ! Mes mômes se sentent libres, pas de problème ! Dire que j'ai toujours cru avoir tout raté, surtout leur éducation ! Bah finalement non, c’est super réussi, et en plus je chemine sur la voie du détachement ! Que demande le peuple ?
Et puis enfin, il y a eu cette chute, le 9 mars 2022.
J'ai tellement tempêté après le sort que je trouvais si cruel. Je me suis retrouvée tellement seule. Seule, seule, seule.
Pas seule comme j'aime, seule comme toute seule. Seule parce que je ne pouvais plus sortir ni voir des gens. Seule parce que je ne pouvais plus rien faire avec mes filles ni avec mes petits-enfants. Mes journées passées dans un tout petit périmètre de marche, de marchote plutôt, de marchouillotte, étaient interminables.
Il faut savoir que mes filles n'ont pas vraiment grandi ensemble, plutôt en lignes parallèles qui se rencontraient le moins possible. Oui, notre histoire familiale est compliquée. Je vais essayer de faire simple : la grande à partir de ses 13 ans a été privée, par son père, de sa mère (moi) et de sa petite sœur. Quant mon aînée et moi nous sommes retrouvées il y a quelques années, elle me considérait moi comme sa copine, et sa sœur comme rien du tout. Enfin si, une inconnue qui porte son nom. Elles ne cherchaient pas à se connaître, le père ayant fait un 'ach de bon boulot, elles n'en avaient aucune envie.
Donc en fait je voyais soit l'une, soit l'autre, mais rarement les deux ensemble, pour la raison que toutes les deux elles voulaient être seule avec moi.
Et puis je suis tombée et il y a eu cette conséquence inattendue : mes filles se sont rapprochées. Puisqu'elles ne pouvaient plus sortir avec leur mère, ou me parler autant qu'avant puisque j'étais tout le temps dans le 36e dessous et que je ne répondais plus au téléphone, elles se sont mises à s'appeler l'une l'autre.
À se voir, à faire des projets ensemble, comme le voyage en Italie. L'année d'avant encore, si on nous l'avait dit, personne n'y aurait cru !
À se trouver des points communs.
Elles se sont rendu compte que finalement, tiens, elles se ressemblent.
Comme des soeurs.
Maintenant, quand la grande parle de la cadette, elle dit ma sœur-sœur, pour la différencier de la sœur qu'elles ont du côté de leur père.
Mes petits-enfants, je ne les vois plus beaucoup, mais ils me voient plus. Ils sont devenus très attentifs à moi, comme si la relation petit à petit s'était inversée. Ils prennent soin de moi, comme des petits hommes, quoi. Ce qui ne les empêche pas de convoquer sans cesse nos souvenirs communs et tout ce qu'on a partagé.
Quant à mon fils.. Ah, mon fils ! qu'est-ce que j'avais pleuré quant il est parti .. Et maintenant, toujours autant de kilomètres entre nous, mais plus de larmes, sauf celles, peut-être, de se retrouver mieux.
Je ne me sens plus seule. Plus du tout. Car même si on se voit au compte-goutte, ce sont des gouttes qui comptent.
St Brieuc, août 2010
La morale de cette histoire, c'est qu'il ne faut jamais, jamais désespérer de la Vie, on ne sait jamais ce qu'elle nous réserve encore de bon.
Comme disait mon père : "Tout finit toujours par s'arranger !".
Je veux croire qu'il avait raison.