Super svelte
photo: moi
mai 2008
C’est fou comme un détail peut changer la couleur d’une journée ! Détail qui revêt – excusez du peu - l’apparence d’une jolie aquarelle réalisée par Marie à mon unique attention. (Je tremble rétrospectivement à l’idée que sa grande Dame ait failli finir en confettis au fond d’une corbeille – c’est en tout cas l’idée saugrenue qui a perturbé l’esprit de Marie lorsqu’elle s’est aperçue que le bleu de son ciel devenait vert au contact de l’écru. Comme si le bleu ne devenait jamais vert ! Ce sont bien là des réflexions d’artiste ! Mais ouf ! Son cerveau a de nouveau été irrigué normalement et Marie a remis l’enveloppe à l’employée de la poste (ce qui prouve qu’il existe encore des employées de la poste dans les postes, ce qui est une sacrée bonne nouvelle), à la suite de quoi j’ai trouvé, le matin du 25 février, ladite enveloppe au fond de ma boîte aux lettres, atterrie là selon le procédé habituel mis au point par mon facteur (lancer du courrier au petit bonheur la chance et sans quitter sa mobylette, ce qui occasionne parfois quelques surprises).
Revenons à Notre Dame.
J’ai cherché quelles paroles je pouvais bien mettre sur une aussi jolie musique.
Tout d’abord, j’ai songé à vous raconter ma première fois. La première fois où je suis allée voir Notre Dame, bien sûr ! À quoi d’autre pensiez-vous, bande de coquins ?
Puis une étincelle a zébré mon esprit embrumé du matin, sous la forme du premier texte que j’avais écrit à l’intention de ma fille aînée lorsqu’elle m’avait supplié à genoux de lui donner des cours d’histoire, au prétexte fallacieux qu’elle avait toujours cru que le Tiercé était la partie de la société française qui, sous l’Ancien régime, n’appartenait ni à la Noblesse, ni au Clergé, et le Patois une des provinces récupérées par Louis XIV en même temps que le Roussillon.
C’est donc ce que je livre à vos yeux ébaubis, en vous souhaitant pour la rime un bon jeudi !
Nos ancêtres les Gaulois n'avaient peur que d’une chose : que le ciel leur tombe sur la tête. Finalement ce sont les Romains qui leur sont tombés dessus, à une période où Lutecia, comme l’appelait Jules, n’était encore qu’une île reliée par deux vétustes ponts de bois, habitée par une modeste peuplade de Gaulois celtes, lesquels, hormis leur jeu préféré qui consistait à se massacrer entre eux, vivaient du fleuve - raison pour laquelle ils s'appelaient les Parisii, ce qui veut dire pêcheurs en gaulois (du reste, c’est ce nom qui restera à notre capitale, ainsi que le bateau dans les armes de la ville et la devise "Fluctuat nec mergitur").
En trois siècles, les Romains vont y construire des marchés, des temples, des ponts plus solides et des rues bien droites, tracées selon un quadrillage conforme aux règles de l'urbanisme militaire en vigueur dans les camps romains, effaçant toute trace de l‘îlot que fut notre capitale à leur arrivée en Gaule..
En l’an 451 de notre ère, Attila, saisi d'un brusque désir de tourisme dynamique, rapplique de sa Tartarie natale avec ses hordes, passe le Rhin, met tout à feu et à sang dans les provinces du Nord et marche droit sur la vallée de la Sequana (Seine). Panique générale chez les Parisii ! Heureusement, Geneviève est là !!
Mais qui est Geneviève ?
Eh bien c'est une jeune fille de vingt-huit ans, pas encore sainte, mais déjà très pieuse. En effet, dès l’âge de sept ans elle se fait remarquer par Germain, l'évêque d'Auxerre qui, la trouvant en prière dans l'église de Nanterre, ville où elle est née, pose ses mains sur la petite et déclare : "Ne la contrariez pas, car, ou je me trompe bien, ou cette enfant sera grande devant Dieu."
Tellement grande devant Dieu qu’à quinze ans, Geneviève prend le voile des vierges. À l'époque, les monastères de femmes n’existent pas, et celles qui souhaitent se consacrer au Seigneur continuent à vivre dans le monde, simplement distinguées par le voile de leur consécration. C’est ce qui se passe pour Geneviève qui, à la mort de ses parents, vient habiter à Lutecia chez sa marraine. Geneviève vit de silence, de prière et de mortification, ne se nourrissant que deux fois par semaine (raison pour laquelle elle est super svelte, d‘après les quelques témoignages en notre possession).
Mais revenons à nos Huns, ou plutôt à nos Parisii. S'ils n'avaient peur que d'une chose (que le ciel leur tombe sur la tête), ils voyaient néanmoins avec un enthousiasme plus que mitigé le désherbage prématuré de la région. C'est pour ça qu'à cette annonce ils n'ont qu'une hâte : déguerpir au plus vite. C'est là que Geneviève s'exclame : "Ne partez pas !! Lutecia est protégée par le Christ et échappera au carnage !".
Taratata !! Les hommes, terrorisés (ce ne sont que des hommes !) restent sur leur idée : prendre courageusement leurs jambes à leur cou, non sans avoir au préalable jeté dans la Sequana cette espèce de folle qui leur suggère de rester pour se faire massacrer (ils songent même, par précaution, à la lapider avant).
Geneviève alors se tourne vers les femmes qui comme toujours, sont les seules à ne pas paniquer pour trois fois rien, et avec elles s'en vient prier dans une église (église située très précisément à l'endroit où se dresse l'actuelle Notre-Dame).
Sur ces entrefaites, surgit l'archidiacre d’Auxerre qui clame de sa virile voix : "Parisii !! Celle que vous voulez tuer est une sainte ! Obéissez-lui !"
Une sainte ?? Veni vedi sainti ??
Du coup, les mâles Parisii ne savent plus que faire. Vaquer ? Lapider ?? Big dilemme. Finalement, ils se disent que l’archidiacre est un homme, comme eux, et décident donc de lui faire confiance et d’attendre l’arrivée d’Attila ..
Qui n’a pas lieu, comme l’a prédit Geneviève.
En effet, piqué par on ne sait quelle mouche, le célèbre Tartare, suivi de sa meute, se détourne brusquement de Lutecia pour aller désherber Cenabum (Orléans) qu'il assiège (finalement, les Huns seront repoussés et vaincus lors d‘une bataille à grand spectacle, avec des fleuves de sang, aux Champs Catalauniques, ce qui prouve que la civilisation triomphe toujours).
Hourra!!! Hourra !!!! hurlent les Parisii [comme si c’était eux qui avaient fait tout le boulot !]. Et ils proclament Geneviève leur sainte patronne, oubliant complètement que trois secondes avant ils voulaient la noyer.
(Pour la p'tite histoire, trente ans plus tard, elle remettra ça avec les Francs. Geneviève, cette fois, sauvera la ville de la famine en organisant une expédition ingénieuse au moyen de bateaux qui, par la Sequana, iront chercher le ravitaillement jusqu'en Champagne. D’ailleurs, Clovis en fera toute une montagne (la Montagne Sainte-Geneviève). Quant Geneviève mourra, en 512, à l’âge très vénérable de quatre-vingt-neuf ans, Clovis y fera construire une église, qui abritera son tombeau (à Geneviève) ainsi que le sien et celui de sa femme (à Clovis) (et c’est à ce même endroit qu’Abélard commencera à enseigner au XIe siècle)).
Voilà.
Avant de le donner à ma grande, j’avais demandé à mon fils, alors adolescent, de lire ce texte pour savoir s’il était clair, et de me dire ce qu’il en avait retenu.
Réponse : Sainte Geneviève était super svelte..