Bonjour à vous,
le calendrier nous invite à fêter Jeanne d'Arc demain : c'est ce qui m'a donné l'idée de l'histoire du jour.
Je vous souhaite une bonne lecture et un excellent week-end !
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Il était une fois une petite fille qui s’appelait Jehanne. Elle vivait il y a très longtemps, à une période où notre pays n’avait pas encore les frontières que nous lui connaissons, puisqu’il était en grande partie occupé par les Anglais.
En effet, nous sommes en pleine guerre de Cent Ans, même si c’est à peine si les Français s’en aperçoivent, très occupés qu’ils sont par leur propre guerre civile entre Armagnacs (pro-Français) et Bourguignons (pro-Anglais), avec au programme des festivités, massacres, bannissements et exécution de 80 000 Armagnacs et assimilés au cours de l’été 1418.
Que fait donc le roi de France ? Eh bien Charles VI est complètement à la masse, ce qui fait que c'est sa femme, Isabeau de Bavière, qui doit se farcir tout le boulot de roi toute seule, avec les frères dudit, en particulier Louis d’Orléans, avec qui elle passe toutes ses nuits (quelle conscience professionnelle!).
Las ! elle est archinulle en politique et ne trouve rien de mieux à faire que d’appuyer le traité de Troyes qui va filer le trône de France aux Anglais, sans parler du fait qu’elle renie son fils (futur Charles VII) et marie une de ses filles à l’Anglais Henri V pour assurer le trône de France à un descendant anglais.
Lorsque le roi Charles VI le Fou devient le Mort, quelques nobles restés français proclament cependant Charles VII roi. Seulement voilà : le "roi de Bourges" comme l’appellent ironiquement les journalistes de l’époque, ne règne qu’au sud de la Loire. En plus de ça, il est moche, malingre et craintif. Bref ! il faudrait un miracle pour sortir la France de ce bourbier ...
Et ce miracle, il va se matérialiser en la personne de Jehanne ..
Mais qui est Jehanne ?
Eh bien c'est une fillette qui habite le village de Domremy, dunum remii, terme qui désigne l’emplacement d’un sanctuaire celte. En effet, on trouve de curieux édifices au flanc d'une des collines surplombant la localité, faits de très grosses pierres assemblées qui forment un mur soutenant une terrasse, sur laquelle on peut encore voir des pierres levées - des menhirs - comme en dressaient nos ancêtres gaulois..
Jacques, le père de Jehanne, est laboureur, et sa mère Isabelle, on la surnomme la Romée depuis qu’elle a fait le pèlerinage jusqu’à Rome. À cette époque, on appelle les gens avec seulement un prénom ou un surnom, et de son vivant, Jehanne n’a été nommée qu’ainsi, ou encore Jehannette ou la Pucelle. Le nom "d’Arc" n’est venu que plus tard, sans doute à cause de l’arc bandé de trois flèches qui est le sceau, c'est-à-dire la signature, de son père.
Jehanne vit donc avec ses parents, sa sœur Catherine (morte violée et assassinée par des soldats anglais, à la mode de l’époque), et ses frères Jacquemin, Jean et Pierre qu’on appelle Pierrelot. Leur maison, comme toutes les maisons lorraines, est très profonde, conçue avec une petite façade et accolée aux autres demeures de manière à garder la chaleur, en plus de celle dégagée par les animaux. La présence desdits prouve l’aisance dont jouit sa famille, ce qui leur permet de faire régulièrement preuve de charité et d’hospitalité. À cette époque en effet, il est du devoir d’un bon chrétien de faire la charité et quand on le peut, de faire preuve d’hospitalité vis-à-vis des plus pauvres que soi.
Il y a de par le pays, qui est exsangue à cause de la guerre contre les Anglais qui n’en finit pas et des ravages de la Peste Noire, de pauvres gens qui ne possèdent plus rien et n’ont pas de quoi manger. Il n’est donc pas rare que la famille de Jehanne offre l’hospitalité à un de ces pauvres hères qui partage alors le lit familial (en ce temps-là on dort ensemble dans la pièce principale pour se tenir chaud) tandis que Jehannette et sa sœur Catherine dorment sur une paillasse recouverte d’un gros drap de chanvre. Et quand on a un petit besoin pressant, on court derrière la maison.
Si les parents de Jehanne peuvent ainsi faire la charité, c’est qu’ils jouissent d’une relative aisance par rapport aux paysans de l’époque. Il faut dire que la mère de Jehanne, Isabelle Vouthon (du nom du village d’où elle vient, c’est courant à l’époque que l’on désignât les personnes ainsi), Isabelle, surnommée la Romée comme dit plus haut, appartient à une branche cadette d’une famille illustre, les Salm, dont la noblesse remonte aux temps ancestraux. Isabelle en effet a une ascendance à la fois mérovingienne et capétienne, puisqu’elle est une parente lointaine de Charlemagne à la 19e génération, et de Hugues Capet. Rien que ça !
Dans ces années-là, tout le monde croit en Dieu. La religion est intégrée à la vie quotidienne, rythmée par des prières à tout bout de champ, des laudes (à l’aurore) jusqu’aux complies (au coucher du soleil). Or, il se trouve que Jehanne est particulièrement pieuse et, si le jour elle joue dans les champs avec les autres enfants et danse avec eux autour de l’arbre aux Fées, tous les matins pendant le saint sacrifice elle est au pied des autels, et le soir quand la cloche qui sonne les complies la surprend aux champs elle s’agenouille pour prier. Bien que ne sachant ni lire ni écrire, elle connait très bien son "Notre Père", "Je Vous salue Marie" et "Je crois en Dieu".
À moins d’une lieue au nord de Domremy, sur le penchant de l’un des coteaux qui descendent vers la Meuse, il y a un ermitage dédié à Notre Dame de Bermont. Jehanne aime s’y rendre avec ses compagnes, y prier avec elles et y brûler des cierges. On la voit alors, agenouillée, la tête recouverte d’un voile blanc penchée sur ses mains jointes.
Les parents de Jehanne possèdent une vingtaine d’hectares, dont une forêt appartenant par héritage à Isabelle Romée, forêt qui s’étend entre les bords fleuris de la Meuse et le Bois Chenu, là où est un hêtre d’une remarquable beauté qu’on appelle "l’arbres des dames" ou "arbre des Fées".
Ce surnom vient d’une coutume dont l’origine se perd dans la nuit des temps : le jour le plus court de l’année, celui où le soleil est dans la constellation du Capricorne, l’hiver, le froid et la neige semblent ne jamais devoir finir, et dans cette nuit terrifiante du solstice d’hiver, nos ancêtres les Séquanes (Gaulois de l’est de la Gaule) qui refusent de croire à la mort du Soleil, célèbrent un rite qu’on appelle les Fayes.
Lors de cette fête, les villageois se réunissent autour d’un grand brasier, chacun avec une longue bûche de tilleul fendillée à l'extrémité pour qu’on puisse y introduire des lames de bois sec, et taillée à l'autre bout de telle façon que l'on puisse bien la tenir en main. La préparation des fayes débute des mois à l’avance pour qu’on puisse les faire bien sécher et les sculpter.
Les villageois embrasent donc leur faye puis la tourne à bout de bras ; alors, pendant quelques minutes, la vallée s'embrase d'une multitude de lucioles qui dansent, semblables à des abeilles. On se presse autour du brasier pour enflammer la bûche et c'est à qui illuminera le plus beau Soleil pour combattre la nuit glaciale. Sur les coteaux voisins, les feux deviennent vite généreux et donnent naissance à des centaines de lucioles. Les habitants de chaque bourg, et même de certains hameaux, rejoignent le point culminant du territoire, et, quelques minutes durant, la fête des Fayes bat son plein.
Au printemps, le dimanche de la Mi-Carême, les villageois se rassemblent sous la large voûte de verdure de l’arbre des Fées. Les garçons et les filles emportent comme provisions de la journée des petits pains faits exprès par leur mère et y font ce que font tous les enfants de cet âge, ils chantent, dansent, cueillent des fleurs aux alentours pour en faire des guirlandes dont ils ornent les rameaux du bel arbre.
C’est à cette époque que Jehanne se fiance, car alors cela se fait à 12 ans pour les filles et 14 pour les garçons. Qu’est-ce qui nous empêche de penser que, cachée derrière le rideau de ses longs cheveux, elle rêve à ce qu’elle va bientôt faire avec son fiancé ??