Un jour de mars 1924, dans un petit village de l’Oise naquit un garçonnet que l’on prénomma Serge. Il était courant à cette époque que la fratrie soit nombreuse et, pour soulager la maman, Serge fut confié pour quelques années à ses grands-parents, des gens simples et pauvres qui vivaient dans un chalet en bois entouré d’un jardin plein de fleurs et qui allaient chercher l’eau au puits. Le grand-père, chef cantonnier, devenait "fou" lorsqu’il rentrait de sa journée de labeur, et trouvait son petit-fils devant un amas de vieux journaux en vrac, dans lesquels l’enfant avait découpé des images qui le fascinaient et qu’il cherchait moyen de transférer sur un autre support ... Car ce petit garçon de 5 ans avait déjà l’idée de construire de grandes choses, même s'il ne savait pas encore lesquelles ...
Le chalet se composait de deux pièces : une pour manger et dans laquelle il y avait aussi le lit des grands-parents, et la deuxième qui était la chambre du petit garçon. Dans sa "chambre" étaient entreposées des pommes de pin qui parfumaient toute la pièce. Le jardin plein de fleurs, l’odeur des pommes de pin, toute cette simplicité, c’était extraordinaire!
Peu avant ses 21 ans, Serge s’engagea dans les forces navales contre le Japon pendant la 2e guerre mondiale. Quand il revint, il offrit ses services dans une entreprise d'industrie chimique où il passa toute sa vie professionnelle. En 1948, il épousa, à l’âge de 24 ans, une certaine Marie-Thérèse qui était folle de lui.
À cette époque, il était déjà attiré par l’art graphique, le dessin et l’aquarelle, et c’est en 1969 qu’il s’adonna pour la première fois à une passion qui n'allait plus jamais le quitter : reproduire les moulages de graffiti(*) réalisés sur des supports divers et variés, comme des églises, des murs de prison, des rochers, des geôles de châteaux, de vieilles demeures, des carrières ...
Quoiqu’en extase devant son cher époux, Marie-Thérèse commençait à trouver encombrantes toutes ces "pâtes à modeler" gravées déposées dans son salon et en 1974, Serge ouvrit à Halatte le premier centre de pierres gravées, jusqu’à la naissance, treize ans plus tard, du Musée né de la collecte infatigable de ces "mur(mure)s de la Mémoire" dont je vous livre – enfin – quelques exemplaires. Croyez-moi, se retrouver ne serait-ce que face à des messages laissés par les prisonniers à l’aide d'un aiguillon de ceinture dans les salles d'interrogatoire de la Gestapo, ça remue !!
Enfin personnellement, je n'appelle plus ça des "graffitis" mais des oeuvres d'art! Je sais bien que les prisonniers n'avaient que ça à faire mais quand même! (Vous remarquerez, deuxième et troisième photos: c'est la Cène).
mon cœur est triste et dolent par ceste mauldite fortune
qui a dessus moy tor(n)e et ma de cete belle dame liberte
ban(n)y et de bonte et mys en la tour de captivite
an la qelle je andure tant de tristesse et aussy
de melancoly et nes(t) este dame passiance et
aussy dame esperansse et parellement mamye
Florance je estoye tombe an desesperance
Sous peu nous détruirons ces hautes
murailles, Briserons les chaînes et
ferons disparaître ces tortures inventées
par les Rois trop faibles pour
punir le peuple qui veut sa
1789 liberté
(*) Graffiti (au singulier : graffito),
vient du mot italien graffiare signifiant "griffer".