Librement inspirée par la consigne de Lakevio.
À toi, Fazounette, où que tu sois.
Pour nos échanges. Pour ce que tu aimais en moi et que je n’aimais pas. Pour ta gentillesse, ta tolérance, ta faculté de voir en tous un bon côté. Pour ta générosité.
Et pour nos rires partagés.
C’est l’heure où blanchit la campagne,
je pars. Voyez-vous, je sais qu’Elle m’attend,
elle ne peut demeurer loin de moi plus longtemps.
La preuve, c’est que sur le quai de la gare du Nord où je glisse avec une légèreté quasi surnaturelle, je la vois au loin fermer et rouvrir ses grands yeux (bleus? verts?) comme pour trouver la force qui est en elle. Force qu’elle utilise illico pour se ruer sur moi sans même savoir si c’est bien moi.
"Je l’ai vu !!" qu’elle me trémollote.
Même pas pipi, bonjour, rien.
Alors moi : "Oui-oui, mais t’es pas obligée de parler de moi à la troisième personne, on est entre nous .."
(Fazou, se raidissant) Mais non, pas toi .. lui !
Lui ? me susurre-je in petto. Mais c’est bien sûr.
(elle) J’te jure .. J’ai vu l’Bouddha !
(moi) Heu, certes.. (J’ai entendu dire qu’en cas de delirium, il ne faut pas contrarier le sujet..)
(elle) J’étais là, à portée de sa toge jaune d’or, une couleur quasi séminale, sous laquelle brillait sa peau tannée creusée par les sillons de l’expérience ..
(moi) Les sillons de la patience, tu veux dire ?
(elle, l’air rêveur) Tu aurais vu ses petites ridules de folie autour de ses lèvres charismatiques..
(moi) Certes. Rappelle-moi ce que t’as pris avant de venir ??
(elle) Tu crois qu’il nierait ?
(moi) Qu’il irait où ?
(elle) Non, pas il irait ! Il nierait ! Il nierait tout !
(moi) Il nierait quoi ?
(elle) Il nierait moi ! Il nierait qu’il était là ! Enfin je veux dire qu’il n’y était pas !
(moi, essayant de suivre) Il n’y était pas ?
(elle) Non, d’un seul coup, pfffrrrrrtt !
(moi) Pfffrrrtt ? Comment ça, ppfffrrttt ?
(elle) Ben oui, il avait disparu, bouh ! (puis, passant son bras sous le mien) Bon, ça m’a creusé l’appétit tout ça !
(moi) On va à la sandwicherie ?
Fazou m’éclate de rire à la face : un casse-dalle ? Elle, ce qu’elle veut, c’est du chaud, du consistant, un vrai repas dans un vrai restau. Tiens la petite pizzeria, là ? Et hop, elle m’entraîne comme si on était nées de la même mère.
Donc, on mange.
Puis, on marche.
Il pleut à verses. On va ainsi tout l'après-midi, bras dessus bras dessous, au Sacré-Cœur, et puis place du Tertre, moi extasiée devant sa blondeur magnifique..
Et nos crises de rire qui n’en finissent pas. De la même mère, vous dis-je.
Soudain, un coup de vent jette à nos pieds un petit morceau de bois.
Un drôle de petit morceau de bois. Je le ramasse.
Fazou, tu sais quoi?
Ce petit morceau de bois, je ne l'ai jamais jeté ..