Brigand de sentier (Bof.)
Bonjour à vous,
j'espère que vous avez passé un excellent week-end et que vous avez pu profiter de ce beau dimanche ensoleillé.
J'ai le plaisir ce matin de vous présenter la participation de Bof., qui nous emmène en Haute-Vienne (qui ne l'était pas encore).
Bonne découverte à tous !
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‘‘ Je joue.
Ma mère est morte quand j'avais 14 ans. J'aurais pu devenir voyou, mais ma tante (sa soeur - ma tatie Provence -), son mari et bien sûr mon père m'ont alors entouré et je suis resté au stade de brigand de sentier. C'est ainsi que dans les années 1990, je me suis mis à la généalogie pour faire plaisir à tous ceux qui m'avaient tant aidé et qui me l'avaient demandé depuis des années.
Cela dit, ton jeu est difficile, puisqu'il faut ne retenir qu'un ancêtre parmi la foule de ceux que j'ai maintenant répertoriés (laboureurs, papetiers notamment au moulin du Got dont nous avons déjà parlé, deuxièmes mariages - dont un avec une veuve d'accident de chasse au début du dix-neuvième siècle - cousin germain de mon grand-père paternel assassin de sa femme enceinte).
Mais, puisqu'il faut en retenir un, en voici un pour qui j'ai une tendresse particulière : Jean dit Cavalier TABOURY, né jeudi 15 septembre 1701 à Saint Just et décédé le 19 novembre 1774 dans la même paroisse, fils de Jean et de Catherine TROISFLEURS.
Il exerçait la profession de Maître peigneur de chanvre. Je l'imagine à cheval jouer du tambourin (voir dictionnaire des noms de personnes en Limousin et Périgord de Yves LAVALADE). J'aurais bien voulu connaître ce fier Cavalier, mais dix générations nous séparent et je ne consomme pas de chanvre, ne porte pas de vêtements ni ne dors dans des draps tissés avec cette plante.
image du net
Bof.
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Il y a un peigneur de laine dans mon arbre généalogique. Pour "exotique" que nous paraissent sans doute ces métiers d'antan, il n'en reste pas moins que lorsque je pense à la vie des petites gens d'alors – et par petites, je ne parle pas de leur taille, mais plutôt de leur nombre, puisqu'elles composent quand même la majorité de la population - quand je pense à cette vie, disais-je, je me dis que finalement, notre époque n'est pas si terrible.
J'imagine les chaumières en bois, les fenêtres laissant passer le vent et la pluie, puisque le soleil est la seule source de lumière et que les volets doivent rester ouverts. Les chandelles coûtent très cher, le bois aussi. Nous sommes bientôt en novembre, à cette période on vivrait quasiment dans le noir (il n'y a ni télé ni internet ! Impensable !).
Quant à la fameuse chemise en chanvre, puisque c'est de cela dont on parle, d'abord il a fallu planter le chanvre, attendre qu'il pousse, le mettre à rouir, c'est-à-dire à pourrir, pendant plusieurs jours.
Ensuite, séparer la fibre de la pourriture et la filer. On se retrouve avec une belle pelote de fil de chanvre qu'il ne reste plus qu'à tisser, avant de coudre le tissu.
Mais que fait Gemo ?
La chemise ainsi tissée est donc le fruit d'innombrables heures de travail, alors, comme tout le monde, on en a qu'une. Ou deux. En tout cas beaucoup moins que les livres de prières, qui rythment la vie et prennent toute la place. Finalement, ça se comprend : deuil, maladie, peur, disette, un travail écrasant, une tristesse accablante, on enterre un enfant sur deux, presque autant d'épouses. Heureusement, il y a les Églises, avec ses promesses au sujet d'un monde meilleur, et les fêtes religieuses qui sont les seuls jours de repos.
Ceci dit, qui peut savoir ce que pense vraiment un homme ou une femme de ce temps-là ? Est-il heureux de son sort ? Pourquoi pas, après tout ? La notion de bonheur, très en vogue de nos jours, lui est sans aucun doute totalement étrangère (il a d'autres chats à fouetter). La notion de temps, primordiale pour nous, ne lui est pas plus familière.
Alors finalement, comment savoir ce qu'il pense, l'homme désheuré du XVIIe et XVIIIe siècle ? De quelle manière il perçoit le monde qui l'entoure ? comment appréhende-t-il sa propre existence ?
Quels sont ses rêves ?
La seule chose qu'on sait, c'est qu'on n'en sait rien ...