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21 mars 2020

Arrête de te plaindre

En temps habituel, je vis au rythme de mes activités quotidiennes. Maintenant que les journées se suivent et se ressemblent, je me surprends à ne plus savoir spontanément quel jour on est. Ça me manque de marcher, mais plus encore de nager. J’essaie de ne pas y penser, mais mon corps n’est pas content et n’arrête pas de râler.

Ma tête lui dit : arrête de te plaindre, tu fais partie des privilégiés. Tu as un toit sur la tête, ce qui n’a pas toujours été le cas! Enfin quand même pas, mais disons que je sais ce qu’est la précarité, que j’ai connue à une époque où le RSA n’existait pas. Pendant plus d’un an (de mémoire) sans autres ressources que les cours que je donnais à la maison au noir, je n’ai obtenu pour mes filles qu’une aide alimentaire de trois mois (la somme allouée était à leur nom) de la part de la DDASS (de mémoire, toujours – il y a peu j’ai jeté au feu tout ce qu’il restait de ce passé).

J’ai un toit sur la tête, donc.

J’ai à manger dans mon assiette. Et même dans mes placards. D’ailleurs, j’ai aussi des placards. Je le souligne, car ça ne fait pas si longtemps que ça.

Je me demande comment les SDF vivent "le confinement". Où sont-ils confinés, eux ? Quel est leur abri ? Leur toit sur la tête, où le trouvent-ils ? Que deviennent ceux qui mangent aux Restaus du Cœur ou à la Croix Rouge ? (fermés maintenant, en tout cas c’est ce que m’ont dit les personnes qui y vont habituellement).

Alors, oui, poursuis-je à ma tête : arrête de te plaindre. Tu es chez toi, puisque tu as la chance d’avoir un chez-toi. Tu es privée du superflu, tu t’en remettras. Tu en as vu d’autres, et des pires. C’est le moment d’être créative. Toi qui aspires depuis quelques temps à te détacher de tout, c’est le moment où jamais.

Je lève les yeux.

En face de moi, une photo prise le mois dernier, devant l’étang Grénetier. Je me sens bien, paisible. Je suis au bras de mon fils, le "beau géant", comme l’appelle mon amie Marie.

Nous sourions.

Pourtant, combien de larmes ai-je versées quand il est parti ! À ma décharge, nous sommes passés brutalement d’une relation très fusionnelle à une brisure nette et précise, paf ! Du tout au rien, une grande spécialité familiale.

C’est bizarre, je l’avais senti. Je l’avais senti tout de suite que cette fois, c’était la bonne. Ne me demandez pas pourquoi, mais vous savez, il y a des choses que l’on ressent et puis voilà. Sous des couverts de "Je pars quelques jours", je savais qu’il ne rentrerait pas, qu’il allait vers son destin, à un gros paquet de kilomètres de chez moi. J’avais des sanglots bloqués, de mes yeux jusqu’au plexus solaire. Dès la porte de chez Elle refermée sur lui, mes vannes ont lâché. Je me suis mise à pleurer, je me suis mise à pleurer toutes les larmes que je retenais depuis des jours, je me suis mise à pleurer tous les câlins qu’on ne se ferait plus, toutes les conversations qu’on ne se dirait plus, toutes les taquineries qu’on ne partagerait plus dans des grandes crises de fou-rire. Car mon fils, c’était ça aussi : grand pourvoyeur de rire devant l’Éternel. Et d’un seul coup, ses bras autour de moi, ses bras de fils mais des bras d’homme, aussi - ses bras disais-je, m’avaient manqué dans un mal lancinant.

Alors j'avais pleuré puisqu’il n’était plus là pour le voir, j'avais pleuré puisqu’il n’en saurait rien, j'avais pleuré et je pleurais tellement que j’avais la sensation que jamais, jamais je n’allais pouvoir m’arrêter. Je me suis vidée, vidée de tout, vidée de lui. Ça a duré un jour. Ou un mois. Ou une éternité.

J’avais la sensation que ma vie s’était arrêtée.

Et je nous regarde maintenant, tous les deux. On sourit. Lui dans son bonheur d’homme amoureux, moi dans ma jolie vie avec mon toit sur la tête et mon assiette remplie. Toujours autant de kilomètres entre nous, mais plus de larmes, sauf celles, peut-être, de se retrouver mieux.

C’est une des choses que son départ m’a appris : on ne sait jamais rien des choses, on ne sait jamais ce que la Vie nous réserve, cette Vie qui a tellement, tellement, plus d’imagination que nous.

2020 2-8 Etang Grenetier0002

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Commentaires
J
Tout à l'heure, une voisine, qui faisait sa petite sortie avec son mari, m 'a interpellé de loin "pour vous, le confinement ne doit pas être trop difficile, vu qu'on ne vous voit guère, contrairement à votre mari"..."justement si, je me sens prisonnière", Quand on ne peut plus maîtriser sa vie, c'est flippant. On a l'impression qu'un ennemi invisible est là, tapi dans l'ombre, près à nous tomber dessus. Pourtant, je sais que j'ai plus de chance que d'autres, confinés dans des quartiers sombres, gris, tristounets...Comme on dit, la misère est plus facile à supporter au soleil…<br /> <br /> Mais, je suis citoyenne, pas sortie dans la rue depuis mardi dernier à midi
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J
Que c'est bien dit tout ça….J'ai ressenti aussi la même chose ( je pense que toutes les mères le ressentent), quand les enfants ont quitté les uns après les autres la maison (3)….Et pis, on s'y fait..Même que le petit dernier, le plus gâté ne nous donne guère de nouvelles. Là, avec le Corona, il s'est aperçu qu'ils avaient des parents, en plus des parents entrant dans la case "à risque"...Il nous a appelé il ya une semaine. Il a aussi appelé son frère. C'est comme un cataclysme, vu qu'il ne lui téléphonait jamais..C'est dire comme la situation est grave.<br /> <br /> Quant à la solitude, j'en parlais avec ma fille, celle qui habite pas loin de nous, et nous disions que mère, belle-mère, grands-mères avaient bien fait de mourir, l'une il y a 3 ans, l'autre il y a 1an et demi. Ma mère n'aurait jamais supporté ce confinement, elle qui, dans sa campagne allait voir Pierre, Paul, Jacques sous le moindre prétexte...Elle aurait fait exploser son téléphone de chaleur. <br /> <br /> Bises
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S
Coucou Ambre merci pour vos témoignages à tous , on se sent moins seul de vous lire <br /> <br /> Ca fait fait 8 mois que le mien petit "grand" dernier m' a dit "Mam je prends toutes mes affaires pour aller vivre avec mon amoureuse " , même s'il m'avait habituée à ne plus rentrer dormir ni manger à la maison tous les jours depuis la maladie de son papa, mon amoureux à moi ... mais c'était la meilleure des choses qu'il pouvait lui arriver .<br /> <br /> On s'habitue à la solitude, il ne faut pas se renfermer sur nous même ... et les moyens que l'on a pour communiquer sont quand même géniaux ! <br /> <br /> Je vous envoie pleins de pensées positives à tous et toutes <br /> <br /> Prenez soin de vous et profitez de ce chaos pour faire de nouvelles choses chez vous , faire de votre nid le cocon le plus doux <br /> <br /> Plein de bises virtuelles qui ne peuvent juste vous enlever un petit peu ce manque de bisous (j'avoue que ça me manque de toucher et échanger du vrai de vrai ...mais c'est pour notre bien à tous)
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V
relativiser et savoir voir notre bonheur ! Oui ! Quand j'ai lu ton texte j'ai pensé à ma soeur qui ne reussit pas à avoir une realtion normale aimante avec sa fille. Ma soeur souffre quand sa fille est absente mais elle souffre encore plus quand sa fille est présente... <br /> <br /> Je n'ai pas vu ma fille depuis le 29 février, c'est long... et ça va l'être encore...<br /> <br /> Bonne journée !
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P
Quelle bouffée d'émotion à te lire ! A-t-il fallu que tu souffres tant pour trouver enfin l'apaisement et relativiser ! Ce manque immense, ce gouffre profond dont on ne croit jamais pouvoir sortir, je l'ai connu au décès de mon mari. Et puis la vie reprend toujours le dessus.<br /> <br /> Bon courage en ces jours difficiles, je t'embrasse bien amicalement.
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F
Vraiment un beau texte, En Italie on dirait "cuore di mamma". pour les SDF depuis que les restaus du coeur sont fermés, ont leur donne une " lunch box" avec sandwich, fruits, dessert, boisson, qu'ils doivent consommer à l'exterieur sur des tables de jardin. ils ont installé de très grandes tentes avec douches et wc pour la journée car ils ne peuvent pas circuler dans les rues, il est interdit de s'assoir sur les bancs, les jardins et parcs sont fermés ou surveillès, les dortoirs n'ouvrent que le soir . A partir de demain des drones surveilleront la ville. facile de dire restez chez vous, Meme avec ces 4 ou 5 tentes il n'y aura pas assez de place pour tous les SDF vu les distances à respecter.
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D
C'est un beau texte de maman que tu viens d'écrire. <br /> <br /> Nos enfants grandissent, deviennent adultes et ne sont plus nos enfants. Chacun suit sa route et va vers son destin…..Mais les liens subsistent !!<br /> <br /> Face à mes enfants qui ont bien grandi, j'ai appris à modifier mes comportements. Surtout plus de conseils et de remarques !!
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H
Ambre, je pense aussi aux SDF, nous aussi, on a frôlé le pire, on a un toit sur la tête, à manger, enfin on peut acheter à manger après se faire livrer, c'est autre chose.<br /> <br /> Pour l'instant le téléphone nous relie à ceux qu'on aime.<br /> <br /> On ira se promener ensemble lorsque nous sortirons de cette crise et on remarquera de toutes petites choses qu'on ne voyait même pas avant.
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L
Ma belle, c'est un texte formidablement émouvant que tu nous livres là, et qui nous dit, toujours avec cette pointe subtile d'humour qui t'est propre, combien tu es belle de l'intérieur autant que de l'extérieur, et ce n'est pas si fréquent.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est un truc propre à ceux, à celles qui ont vraiment morflé mais vraiment, et qui s'en sont sortis, je crois, quelque chose qui se reconnaît intuitivement, un truc impalpable comme un voile de douleur au-delà du sourire, et une générosité qui ne se met pas en avant, qui n'est pas là pour faire bien, pour dire bien, pour se montrer. Quelque chose qui vient du cœur et de l'âme et qui transparaît dans l'attitude, y compris dans les mots.<br /> <br /> <br /> <br /> Tendresse ♥
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F
Ton article m'émeut, et je comprends mieux ta sensibilité qui transparaît dans tes articles et commentaires sur les nôtres.<br /> <br /> Je t'embrasse fort, Ambre.
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C
bonjour Ambre<br /> <br /> Comme tu décris bien cette séparation d'avec quelqu'un qu'on aime tendrement!<br /> <br /> Je considère que j'ai de la chance aussi, un mari et des enfants qui m'aiment et qui, à part l'un d'entre eux, ne s'est pas éloigné trop!<br /> <br /> Prends soin de toi; Bisous tout plein
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M
Bonjour Ambre, on se connaît depuis longtemps et on s'est déjà raconté beaucoup de choses de nos vies, je ne vais donc pas m'étendre sur le départ de ton fils et ce que tu as ressenti. Tu sais que un par un, chacun de mes enfants est parti, et le pire a été le départ de la "petite dernière" (nous avions passé six ans, juste elle et moi, sous mon toit et qu'est-ce qu'on était bien ensemble). Mais voilà, les enfants grandissent, s'en vont, vivent leur vie, et c'est dans l'ordre des choses. Après, le plus dur est quand, comme c'est mon cas, on n'a pas de mari ou de compagnon. Les galères, j'en ai connu étant jeune, et j'en ai à nouveau connu sur le tard, et quand t'as trop de galères, au bout d'un moment même le peu d'amis que tu avais te tournent le dos (on ne sait jamais, des fois qu'il faudrait t'aider ou que ce soit contagieux). Donc je me suis retrouvée seule, mais alors vraiment seule. Jusque là ça allait, j'allais bosser, je sortais en fin de journées pour faire des courses, je marchais le plus possible. Les weekends étaient un peu longs parfois mais là encore après avoir travaillé, ou dessiné, ou peint, je partais marcher, même en ville puisque c'est ce qui m'est accessible à pied, parfois un parc public mais de moins en moins parce que les parcs publics, toute seule, te font encore plus ressentir que tu n'as personne pour marcher à tes côtés. Enfin bref, jusque-là, disais-je, j'ai fait avec, sans me plaindre. Et voilà que la donne a changé. Outre le travail depuis mon domicile qui m'a fait frôler le burn out vendredi dans la matinée, on ne peut plus sortir que pour quelques courses et encore pas bien loin. ils parlent même de renforcer encore ces mesures. Je n'ai pas de jardin, pas de balcon, je suis juste locataire d'un logement dans une rue sans verdure et un quartier sans jolies choses à voir. <br /> <br /> Alors oui les inégalités sociales vont encore se renforcer davantage. Des gros lobbies et des patrons vont en profiter pour faire des choses qui vont encore plus renforcer les inégalités et le mal-être de tous ces gens justement qui ne disposent ni d'une maison, ni d'une sécurité de situation, ni d'un bout de verdure à arpenter ou d'un petit endroit où bricoler ou jardiner. <br /> <br /> Bien entendu se plaindre ne sert strictement à rien et n'apporte aucune solution pour avancer mais je trouve acceptable et normal (humain) d'éprouver le besoin de partager son témoignage et de donner son point de vue. <br /> <br /> Porte toi bien et prends soin de toi. Bisous.
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D
Oh là que cet article me parle ! Tu le sais, je ne m'éterniserais pas sur la question de la séparation, chacun de tes mots m'a fait revivre la même. Je me concentrerai plutôt sur la situation des SDF, pendant que nous sommes confinés en intérieurs, eux le sont en extérieur. Quelle est cette société devenue si égoïste qu'elle laisse des gens sur le carreau en dépit de toutes les richesses qu'elle est capable de produire ? Quelle est cette société qui laisse mourir des gens parce que devenus trop égoïstes ceux qui pourraient faire preuve de solidarité ne pense qu'à s'empiffrer ? Quelle est cette société où en dépit de toute règle de bon sens, les mêmes continuent de s'adonner à leur plaisir égoïste sans se soucier des conséquences ? Cette société c'est la notre. Elle est devenue telle que ceux qui survivront à tous ces maux ne pourront même plus y respirer tellement elle sera pestilentielle, si on ne rectifie pas le tir, si ceux qui sont bien abrités, bien chauffé, bien nourris, n'ouvrent pas les yeux à temps et se confinent toujours dans leur petit confort. Regarder autour de soi et s'apercevoir que certains sont plus égaux que d'autres devrait porter à réfléchir sur les notions de partage et d'humanisme. Mais les dernières mesures annoncées par le gouvernement, face à la crise, ne laissent pas présager du meilleur en ce domaine. <br /> <br /> Je te souhaite malgré tout les malgré, de passer une bonne journée même sans piscine. Je t'embrasse trés fort.
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L
Le problème ?<br /> <br /> C'est que quand on digère et qu'on a chaud, à l'abri de son chez soi, vient un moment où il manque quelque chose.<br /> <br /> Pire : Il manque quelqu'un.<br /> <br /> Et ça, c'est terrible.<br /> <br /> (c'est un truc qu'on apprend très jeune parfois, il suffit d'être mis en pension chez des fous. Bon, après on cherche les câlins et c'est une source d'emmerdements sans fin. Mais "c'est si bon" comme chantait Distel... ;-) )
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C
Nous aussi il y a un toit un jardinet qui permet de remuer les gambettes de temps à autre le binôme une à Paris l'autre à Liverpool (heureusement que le mobile existe)elle n'arrive pas à sortir de ce pays .nous attendons sereins .
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G
Je me dis exactement la même chose : avoir un toit, pouvoir se nourrir, des milliers de livres à relire, mon atelier, alors tout va bien. Je vis seule depuis trois ans et j'ai été confinée volontairement pour soigner mon époux pendant sept ans, alors je suis très entraînée. Si le soleil vous manque, emprisonnez-le dans votre coeur.
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