Pour mes beaux yeux
Depuis le début de l’année, je fais un "BuJo". J’ai entendu parler de ça sur le net (elle est bizarre, cette phrase : J’ai entendu parler de ça sur le net) et l’idée m’a séduite. Enfin, ce qui m’a séduit, c’est la possibilité de me tenir à quelque chose.
Je vous explique.
Je passe mon temps à faire des listes, à coller des post-it partout. La journée terminée, toutes les choses faites ou pas je bazarde la liste et le lendemain je refais une liste.
Sur mon BuJo à côté du calendrier de la quinzaine (page gauche) j’écris les trucs que j’ai à faire (page droite) et que je fais (ou pas) mais au moins je les ai sous le nez pendant 15 jours, ce qui me donne plus de chance d’arriver au bout.
Ça m’aide aussi à rester dans le présent.
Oui, parce que j’ai toujours eu une propension à me pencher sur le passé (ça doit être mon côté Cancer qui fait ça, j’aime les choses d’il y a très longtemps.. Ma mère disait toujours que je ne suis pas née à la bonne époque, que j’aurais dû naître super avant, genre à l’époque des preux chevaliers, moi j’aurais été une princesse et on se serait battus pour mes beaux yeux, tout ça. Sauf que si c’est ma nature profonde d’aimer ce qu’il se passe avant, ben ma mère de l’époque des chevaliers m’aurait dit que j’aurais dû naître au temps des Cro-magnons.. etc..).
Bref. J’ai un problème de présence et de dispersion. Et de concentration. Ouh ! ça fait beaucoup !
Quand mon fils vivait encore à la maison il disait des choses comme "Ma mère c’est la seule personne au monde que quand elle m’explique quelque chose, à la fin c’est moi qui dois lui expliquer de quoi elle parle!".
Bon, OK, c’était pour me mettre en boîte, mais n’y a-t-il pas toujours un fond de vérité dans les moqueries ?
Il y a une autre chose aussi qui concerne des objectifs que je veux atteindre. Je n’aime pas un tas de trucs en moi. Je ne les aime pas parce qu’ils me pourrissent la vie. J’ai déjà parlé de l’impulsivité, de l’impatience. De l’attachement aussi. Ah lala, l’attachement ... Je m’attache généralement trop ou alors ce sont les autres qui ne s’attachent pas assez? Dans tous les cas, c’est déséquilibré.
Déjà, petite, je réclamais inlassablement à ma mère : des câlins, des bisous, des câlins et des bisous. Maman, les bras ballants, se laissait enlacer en disant : "Arrête de faire la meule !!"
En grandissant, on aurait pu espérer que la chose s’arrange. Ben pas du tout. J’ai continué à faire la meule. Là où on vous "NON", vous faites quoi, vous? Vous laissez tomber et vous changez de crèmerie, je suppose? Eh bien pas moi. J’insiste. Encore. Encore. S’teuplèèè!! Allééé ! Dis-moi qu’tu m’èèèmes !!
J’ai toujours eu un vrai souci avec les sentiments. Il faut reconnaître que rien que le mot est magnifique! Et puis les sentiments, c’est la seule véritable chose qui fait battre le cœur et vous coupe le souffle. On ne décide pas de ressentir des sentiments, ce n'est pas quelque chose qui s'atténue, s'annule, s'évite, se rejette. Les sentiments s’imposent et on doit vivre avec. Même si certaines personnes croient avoir du pouvoir sur ce qu’elles éprouvent, même si elles s’empêchent de se laisser submerger, moi je crois qu’au final, ça leur revient comme un boomerang. En tout cas pour ma part je me laisse faire comme une poupée de chiffon. Quand je les sens m’envahir, je ne me défends pas. Il faut dire qu’en plus, je suis une ressenteuse née. Maman disait toujours que ce que je ressens se lit sur mon visage. Eh oui, je suis une nana lisible.
Bref. J’ai donc fait la meule toute ma vie. Et puis un jour, j’ai eu une sorte de révélation : et si la vie n’était pas qu’une vallée de souffrances, de privations et de larmes ? J’imagine que Bouddha et Jésus n’ont pas passé leur vie à geindre en attendant qu’on les aime. Ils ne devaient pas faire la meule souvent.
Alors j’ai arrêté d’attendre. Plus exactement, j’apprends à ne plus attendre. Rien, ni personne. Je me drape dans ma dignité de mûre femme et j’essaie de ne plus faire la meule.
Ça a l’air simple, dit comme ça, mais croyez-moi, ça ne l’est pas. Cela demande un reformatage total du disque dur. Mais bon, comme dirait l’autre, "Paris ne s’est pas fait en un jour".
Donc voilà, sur mon BuJo, ligne après ligne, mois après mois, c’est marqué : arrêter de faire la meule, arrêter d’attendre, arrêter de m’accrocher (un autre mot de Maman : "Pot d'Colle").
Patience. Patience. Patience.