On s'amuse comme on peut
Malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à accepter ma situation. Accepter de marcher à un rythme que je ne décide pas, renoncer à la natation, c'est au-dessus de mes forces.
Chaque fois que je croise mon reflet dans le miroir, je fonds en larmes. Je suis en train de devenir une éléphante de mer.
Je crois que Sylvie a raison : c'est une "vraie" thérapeute qu'il me faudrait. Chose que bien entendu, je n'accepte pas non plus. Pourtant ça fait un an que je pleure. Ça devrait me mettre la puce à l'oreille.
Par moments, j'ai des élans de courage. Je relis vos mots. Je prends des bonnes résolutions. Et puis mes limites me rappellent à l'ordre et je me dégonfle comme un soufflé. C'est quand même fou de ne pas avoir le même âge dans la tête et dans les jambes !
"La vieillesse est une vacherie", disait ma marraine. Elle n'était pas si vieille que ça à l'âge où elle le disait, et maintenant elle va gaillardement sur ses 91 ans. J'aurais tant aimé lui ressembler !
Mais voilà. La differenza tra te e me è che io non sono te.
C'est ma psy de quand j'étais jeune qui disait ça.
Oui, parce que j'avais trouvé le moyen de tomber sur une psy italienne. J'avais cherché dans le bottin, il me fallait une psy qui habite dans une des villes desservies sur ma ligne, c'était la première qui venait, elle était Italienne.
C'est comme le père de mes petits-fils. Italien. Enfin, de père italien. Ya des drôles de hasards quand même, dans la vie.
En revanche, il n'y a pas tellement de miracles, alors il faut absolument que je trouve le moyen de retrouver des forces, enfin, au moins une force, celle de mettre patiemment un pied devant l'autre.
Ça me fait encore penser à ma psy.
J'étais arrivée pour la première consultation, survoltée comme ça ne m'arrive absolument jamais. Je lui avais expliqué que je perdais connaissance sans aucune raison depuis l'âge de deux ans. Et que c'était très gênant. J'étais en colère contre le monde entier et je pleurais tout le temps, parce que je n'avais pas que ça à faire de tomber dans les pommes toutes les cinq minutes.
Je lui avais dit : "Ça va prendre combien de temps ?".
Pour que ça s'arrête, sous-entendais-je.
Elle ne savait pas. Ça dépendait de moi. Il allait falloir du temps, sûrement. Beaucoup de temps.
Comment ça, ça dépendait de moi ? j'étais là pour qu'elle me règle le problème en trois coups de cuillères à pot, et elle insinuait qu'il allait falloir du temps, beaucoup de temps ?
Pfrt.
J'ai honte, quand je repense à cette scène. Elle avait dû me prendre pour une folle. Pourtant, ya pas plus posée que moi.
Elle était géniale, ma psy. Elle m'a sauvé la vie. Elle m'a réveillée, elle m'a permis de re-trouver une certaine connaissance de moi, celle que j'avais perdue depuis que j'étais toute petite. Elle me disait des choses merveilleuses, que c'était passionnant de travailler avec moi, que je lui apprenais un tas de trucs – que je lui apprenais un tas de trucs !! – parce que je démantelais ce foutu inconscient à grands coups de pioches et qu'elle n'avait jamais vu ça.
D'ailleurs, j'ai toujours pensé que c'était à cause de mon père, puisque ça correspond aux premières baffes.
Mais finalement, comment savoir ? est-ce que ma soeur tombait dans les pommes ?
Non.
Bon, alors !
Bref ... je ne tombe plus dans les pommes, mais je pleure ...
On s'amuse comme on peut ..