C'est à quel sujet ?
Demain c’est l’anniv de ma grande. Qui dit anniv dit souvenir d’accouchement, en tout cas pour la mère (moi). Je n’ai pas à me plaindre, à part le premier qui fut épique, les autres en deux heures c’était plié, et encore, deux heures, je compte large ! La palme revenant à mon fils, lorsque je me suis pointée avec les premières contractions (j’étais méfiante parce qu’avec ma cadette ça avait été super vite), la sage-femme reluquant mon petit ventre rond m’avait assené avec un air suspicieux : "C’est à quel sujet ?"
"Heu, je viens accoucher…"
Elle m’avait toisée de bas en haut avec un regard totalement sceptique, vu que j’étais pas grosse, donc pas à terme (j’avais entendu ça pendant neuf mois je commençais à être rôdée, même qu’on m’avait promis des enfants rachitiques (surtout la deuxième, parce que je n’avais pas arrêté de fumer), au final merci mon Dieu mes trois enfants pesaient le poids requis (3kgs et quelques) et étaient tout à fait normaux, ce qui en soi dénote un talent certain quand on voit les parents !)
Or donc, ma grande.
Je me pointe aux premiers trucs bizarres que je sens dans mon ventre. En ce temps-là, pas d’échographie, du reste mon ventre enceint et moi on a vécu notre vie peinards jusque facile sept mois, entendez par là une vie de patachon (soirées arrosées, virées entre potes dans des voitures pourries qui me faisaient faire du tape-cul à tous les coins de rue, etc etc).
Quand on a commencé à approcher de septembre, je me suis dit comme ça qu’il faudrait peut-être que je me trouve un gynéco, de préférence obstétricien. Courageuse mais pas téméraire, je n’avais pas du tout l’intention de me taper ça toute seule à la maison !
Me voilà donc débarquant à la clinique le soir de ma fête (je trouvais que c’était une super idée de faire mon bébé le jour de ma fête, même si au final ma super idée s’est avérée n’être pas celle des grandes lois du Cosmos), avec mon petit baluchon et le père du futur bébé. On venait de se farcir 4 kms à pied, vu qu’on habitait une ville desservie par les corbeaux.
Mon terme était le 15 septembre, alors comme on était le 18, dans leur grande mansuétude les blouses blanches m’ont collée dans un lit mais je voyais bien que ça ne leur faisait pas plaisir du tout. Déjà, j’étais pas grosse. J’ai bien vu dans leurs yeux à quel point c’était décevant.
En plus c’était un samedi soir et ils étaient en sous-nombre.
La sage-femme – enfin je suppose que c’était une sage-femme, personne ne me parlait là-dedans ! – est venue m’examiner. Là encore, grosse déception. Elle m’a fait un état des lieux d’un air de s’ennuyer à un point pas croyable.
Col "raccourci", qu’elle me fait.
Je ne savais pas ce que ça voulait dire mais ça n’avait pas l’air de lui faire plaisir.
Vu l’heure tardive, elle m’annonce qu’on me garde. Par contre, dit-elle, votre mari s’en va.
Ah bah non, je ne suis pas d’accord moi ! Comme il s’éloignait déjà (la nana avait un regard terrible, de quoi vous congeler sur place), je me suis mise à lui courir après pour le retenir, sauf que j’étais déjà en petite tenue (vous savez, ces machins bleus fort seyants ouverts en grand derrière), avec des tuyaux et plein d’autres bazars par ci par là, mais j’ai eu beau me jeter à genoux aux pieds de l’infirmière avec la main sur le front, elle n’a rien voulu savoir.
Je me suis donc retrouvée toute seule pour le soir de ma fête, à même pas pouvoir faire la java, en plus yavait pas de téléphone, mais oui, vous avez bien lu ! Je viens d’une époque où on pouvait NE PAS AVOIR LE TÉLÉPHONE ! Incroyable !
Je n'étais vraiment pas contente, mais alors pas contente du tout !! Mais non j’étais pas chieuse, juste une petite nana toute seule pour fêter sa fête, snif ! Et surtout pas au bout de ses surprises ! En effet, bien que mes parents aient toujours été très ouverts sur le sujet, on ne peut pas dire, maman m’a quand même raconté n’importe nawak, le strict minimum et encore, même pas, puisque ça se résume à la phrase "J’ai toujours adoré aller faire mes enfants !".
Je partais donc du principe que ça devait être super festif, comme truc.
Pour les détails, ça a été "Par le ventre", j’ai donc longtemps cru que ça se passait au niveau du nombril, jusqu’à ce que je finisse par me dire avec une logique qui frise le génie que ça devait sûrement sortir par où c’était rentré.
J’ai donc passé une nuit bien tristoune à m’ennuyer sec.
Les choses sérieuses ont commencé le lendemain, et là, j’avoue, je me suis mise à maudire la terre entière. En plus, c’était la même sage-femme que la veille qui bossait, avec son sourire en accent circonflexe, elle ne passait que pour voir où en étaient les choses, qui visiblement prenaient leur temps. Si bien que lorsque mon mari s’est pointé la bouche en cœur, je l’ai reçu en lui envoyant dans la tronche tout ce qui me tombait sous la main, lui assurant qu’il ne me toucherait plus jamais, qu’il m’avait violée et qu’il pouvait bien reprendre ce qu’il m’avait collé dans le bide parce que je n’en voulais plus !
Il a été un peu surpris et c’est la première et unique fois où je lui ai cloué le bec : il n’a pas su quoi répondre (il s’était prudemment tapi dans le couloir en attendant que les choses tournent à son avantage). Avantage qui eut lieu sur le coup des 19 heures, après que toute la clinique et même la ville entière aient découvert la puissance de mes cordes vocales.
Une petite tête brune recouverte d’une masse de cheveux comme on n’avait jamais vu sur un crâne de nouveau-né est enfin apparue entre mes cuisses, et j’ai poussé un soupir à décoiffer tout le département.
Malheureusement pour moi, je n’en n’avais pas encore fini puisque – je ne le savais pas alors, mais il me fallait encore expulser le placenta ! Quand la chose, au prix de quelques contractions supplémentaires, s’est faite enfin (de la gnognote à côté de ce que je venais de vivre), le médecin de garde qui était seul et courait d’une salle de travail à l’autre vu qu’on était quatre à accoucher en même temps, le médecin disais-je, a brandi le truc avec un sourire jusqu’aux oreilles comme si c’était la dernière merveille du monde, alors que la vraie merveille, sur mon ventre, ouvrait des yeux noirs immenses !
Après quoi, le cher homme s’est mis en devoir de me recoudre en sifflotant ...