À perpétuité
C’est un homme jeune, l’âge de mon fils je dirais. Planté sur deux jambes musclées, des tongs rouges aux pieds. Je faisais des largeurs dans le bassin - les longueurs étant impraticables pour cause de lâcher d’enfants (à mon humble avis, hier, tous les centres de loisirs du coin se sont donné rendez-vous dans ma piscine). Des largeurs, disais-je, des tongs rouges du maître-nageur jusqu’à celles, noires, de la mono, assise sur le bord de l’autre côté.
La foule + le brouhaha, c’est un truc épatant pour rester dans l’instant présent. La vigilance et la concentration y doivent être constantes, sauf si bien sûr le seul but de votre vie est de se manger un coup de bras, voire un gamin sur la tête. Et je ne parle pas des tasses.
J’ai bien essayé de nager sous l’eau : c’est pire. Là fourmillent une quantité phénoménale de paires de jambes munies de chaussettes de piscine de toutes les couleurs. Ce qui est, ceci dit, fort festif.
Mais c’était bien, et je me suis finalement beaucoup plus lâchée que pendant le cours de yoga de la veille.
Alors sinon, je suis retournée à Auvers-sur-Oise, dans les pas de Valentine.
Valentine. Pas la dame aux cheveux blancs à qui nous rendions visite en Suisse, une fois l’an. Non, je parle de celle, lointaine, d’une photo perdue : elle était brune, elle était belle, elle sentait bon le sable chaud des rives de l’Oise. Sa taille était fine, si fine. Tant de grâce : je la vois s’envoler, elle danse, elle danse avec son amour dont elle m’a tant parlé, au feu de la St Jean, dans ce village français. Elle parle de lui comme d’un poème. La nuit était si douce, il la tient contre lui. Il avait les yeux bleus.
Ils dansent, dansent, dansent. Et dans ses yeux à lui, le bleu, toujours. À perpétuité.
Ces pas dans lesquels Valentine a marché, et avec elle son frère, ses pères, tous ses amis, ces endroits qu’ils ont fréquentés, je les vois, voyez-vous. Je les vois, éblouie : ici Van Gogh, là, Pissaro, ou encore Cézanne.
Pour quelques instants, je suis dans les yeux de Valentine.
Des yeux fabuleusement beaux, noirs et brillants.
Et toujours, son petit rire lointain.
Car Valentine, malgré tous les malgré, avait choisi de ne jamais pleurer.
Insolite: boîte aux lettres..
et le logement dans la roche?
J'ai fait cette photo sans savoir que cette route avait été peinte..
.. par Cézanne!
Les photos ont été prises dans un quartier d'Auvers qui s'appelle le Valhermeil, où Pissaro et Van Gogh sont venus également poser leur chevalet.