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Un peu de silence ..
25 janvier 2022

On ne sait jamais rien des choses

Aujourd'hui j'ai envie de parler de ma grand-mère, celle qui m'a appris ce qu'est l'amour. La grand-mère dont le fils nous giflait à toute volée et qui repartait alors de chez nous en pleurant à chaudes larmes. Comment avait-elle pu engendrer un fils aussi brutal, elle qui savait si bien aimer ?

Dit comme ça, mon père paraît terrifiant. Mais la vie m'a appris que rien n'est jamais si simple, et qu'il faut bien se garder de juger. Je n'étais pas dans sa peau, encore moins dans sa tête, je ne savais pas, je ne savais rien. Mon père ne parlait pas, le peu que je sais de lui, je l'ai appris de la bouche de sa mère ou de la mienne. Autant dire ..

Mais revenons à ma grand-mère. Elle a été ma première maman, et peut être même ma seule maman. Pardon, Maman, hein, mais tu vois ce que je veux dire. On s'en dit, des choses, toi et moi, depuis que tu n'es plus là. On a fait la paix, enfin, surtout moi. Et je te demande pardon, infiniment pardon, pour tout ce que je n'ai pas compris, aveuglée que j'étais par mon immense, intarissable, inassouvissable, insatiable besoin d'amour.

Mais tu comprends, ta belle-mère me le donnait. Elle me prenait sur ses genoux, et elle chantait "On n'a qu'une mamy, on a deux mamans !".

Elle me serrait dans ses bras, elle m'embrassait, j'étais sa déesse, sa plus belle, sa plus sage. C'est vrai que j'étais sage, mais bon.

Elle me montrait des choses, elle m'apprenait des choses, elle avait éduqué ses fils très jeunes (c'était la guerre quand mon père était petit, et mon grand-père était prisonnier en Allemagne), elle avait éduqué ses fils très jeunes disais-je, à l'aider à faire tout un tas de choses avant d'aller à l'école, à être autonomes.

Tu ne m'as jamais rien appris Maman. Quand j'ai eu ma grande, c'est mamy qui m'a montré comment la changer, comment lui donner le bib sans la réveiller, tout doucement, comment frotter son petit ventre quand elle avait des coliques.

C'est drôle, en fait je ne voulais pas parler de ça en commençant à écrire. Je voulais juste dire que c'est ma grand-mère, pure Francilienne puisque née en Île-de-France, et toute sa lignée maternelle avec, qui m'a appris les quelques mots de chti que je connais. J'adorais qu'elle me parle chti.

Elle parlait un peu chti parce que les siens avaient quitté l'Île-de-France au début de la Première Guerre, au moment où son père, Belge, avait été licencié des Galeries Lafayette où il travaillait comme interprète parce qu'il était étranger. Il avait retrouvé un boulot dans un coin du nord de la France complètement paumé et c'est d'ailleurs pour ça que je suis là.

Mais ne brûlons pas les étapes.

C'est à ce moment du récit que se placent les terrils, transformés en terrains de jeux consistant à ramasser, dès les premières heures de la journée, les morceaux de charbon rejetés de la mine et qui servent à chauffer la maison. Ma grand-mère n'est qu'une petite fille alors, elle et ses sœurs ont la figure et le tour des yeux tout noirs, car le charbon imprègne les pores et s’incruste partout ! Mais elle est fière de ce charbon récupéré que leurs parents n’auront pas à acheter. Le charbon c’est magnifique ! Il y en a de toutes sortes : du gras, du maigre, des gros (qu’on appelle des gaillettes), des galets avec des feuilles incrustées ! Elle pourrait presque s’en faire un collier !

Qui de nos jours s'extasie sur du charbon ?

En deuxième vient la rencontre de ma grand-mère (15 ans) avec mon grand-père (17) et la venue de leur fils aîné, puisque ces deux-là s'aimèrent comme on s'aime depuis la nuit des temps, sauf qu'il n'y avait pas encore de pilule contraceptive. Et bien entendu, ce qui devait arriver arrive, sous forme de menstruatum interruptus merdouilloum

Je ne me lassais pas d'écouter ma grand-mère me raconter le moment où sa mère l'avait prise par la main pour aller exprimer ses revendications matrimoniales aux pieds d'Olympe (franchement, qui s'appelle encore Olympe?), celle qui visiblement n'est pas du tout décidée à devenir ma future arrière-grand-mère. Le dragon, qu'on l'appelait dans la famille.  

Olympe ne parle que chti, et, dévoilant une quantité phénoménale de dents, c'est là qu'à mes oreilles émerveillées Mamy me répète pour la dix-millième fois la réponse qu'elle lui avait faite : "Min garchon est trop jeune pour che marier, il doit vivre chô vie! Ch'lôché min coq, fallô rintrer v'poules! "

Et effectivement, mon grand-père continue à vivre sa vie de patachon, même après la naissance de mon père ! Oh, pour ça, il est loyal et franc mon grand-père, on ne s'ennuie pas avec lui ! Et en amour, il aime pour la vie ! Seulement voilà, il aime souvent ..

Pauvre Mamy, elle qui en était folle ..

 

Après le décès de mon grand-père, Maman m'a donné tous ses papiers. Il n'y avait qu'une seule photo dans le portefeuille de mon grand-père ..

lui avec sa femme

mon père qui avait environ 3 ans sur ses genoux

 

On ne sait jamais rien des choses ..

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Commentaires
E
On ne saura jamais tout de nos ancêtres. Mon père était fils unique, et à son décès, j'ai découvert des papiers, des photos et donc j'ai compris certaines choses sur la vie de ses parents, cousins, cousines, tantes, etc. que mes grands parents n'ont jamais raconté du temps où j'étais enfant. Bises et bonne soirée.
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L
"C'est vrai que j'étais sage, mais bon."<br /> <br /> Comme on change, hein...<br /> <br /> En regardant la photo, je me rends compte que ton père avair un air, comment dire... "fermé".<br /> <br /> Il n'a pas dû rigoler tous les jours, ce pauvre gamin...
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A
Il était bel homme le grand-père !<br /> <br /> On comprend qu'il ait eu du succès dans des amours multiples.<br /> <br /> Comment ton père a-t-il pu se construire valablement dans ce contexte ?<br /> <br /> <br /> <br /> Heureusement ta grand-mère t'a donné une autre forme d'amour, authentique celui-là.<br /> <br /> Ce fut une grande chance pour toi.
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D
Comme on ne saura jamais rien des choses d'avant nos propres souvenirs, autant les prendre comme elles sont. Ne pas juger me semble primordial. Même si on ne peut ni tout comprendre, ni tout excuser. Nous ne savons rien. C'est tout. L'Histoire se charge du reste. Bonne méditation.
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D
Une bonne grand mère, la vie d'avant, la vie dans le Nord....Nostalgie. J'ai beaucoup aomé ton texte.
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F
Nos pères « maltraitants » ont tous les deux eus leur père prisonnier à la guerre…<br /> <br /> Est ce le point de départ de leur violence, je ne sais pas , j’ai beau chercher dans la généalogie, je ne trouve pas l’origine de cette violence !<br /> <br /> Mes grands mères n’étaient pas tendres, aucun câlin avec elles, par contre mes grands pères étaient plus câlins 🤗 <br /> <br /> C’est vrai que le passé de nos parents peut parfois expliquer leur attitude, pas toujours l’excuser…<br /> <br /> Gros bisous 😘 Ambre
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C
aucune grand mère ni grand père dans ma vie ! des parents venus de corse travailler dans l'EST du continent, les grands parents morts jeunes...Toute ma vie ça m'a manqué et depuis toute petite je suis attirée par les personnes très âgées...Nous étions 5 filles et ma pauvre mère n'avait guère le temps pour les câlins ! ça ne se faisait pas ! ils étaient d'une pudeur maladive ce qui fait qu'on a toutes eues du mal à montrer notre amour ! c'est seulement depuis que je suis grand mère que je suis capable de dire je t'aime à mes petits enfants !!Mieux vaut tard que jamais !! bonne journée !!
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A
Maman était très maman poule et omniprésente dans ma vie et cela jusqu'à son décès.<br /> <br /> Une grand mère paternelle partie trop tôt mais qui me laisse peu de souvenirs mais teintés de grande douceur et de bons repas autour d'une belle table. Son sourire me semble éternel.<br /> <br /> Ma grand-mère maternelle était d'un tout autre caractère, mais contrairement à la première, elle n'avait pas eu une vie très facile veuve avec 4 enfants. Avec elle tout était beaucoup plus dans l'amour plus pudique qu'elle cachait sous des rires, dérision. Avec elle j'adorais particulièrement ses histoires et nous nous disputions avec mes soeurs pour dormir chez elle le mercredi.<br /> <br /> Mais maman a toujours été là pour moi aux bons et aux mauvais moments de ma vie.<br /> <br /> Tu as eu la chance d'avoir une si belle grand-mère même si je comprends que cela ne compense pas certains manques de la part d'une maman. Le principal est que tu n'as jamais manqué d'amour !
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E
oups mes 4 petits enfants.
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E
Les rapports mère fille sont parfois difficiles, ceux avec la mienne furent souvent conflictuels... nous nous aimions, je n'en doute pas, chacune à notre manière. Je n'ai pas eu la chance d'être bercée, aimée, par une grand mère, hélas; Aussi je m'efforce puisque aujourd'hui j'ai ce statut, d'être à la hauteur, de partager, de transmettre mais surtout d'aimer inconditionnellement des 4 petits enfants.
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N
Tu le dis très bien: on voit nos familles avec nos yeux et c'est très limité. et l'inverse est vrai :)
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