Pleine
Parfois, lorsqu’allongée je pose les mains sur mon ventre, il m’arrive de penser aux moments où, enceinte, je faisais ce geste pour écouter mon bébé. Mon bébé qui, doucement, parlait à ma peau. Mon abdomen se déformait, prenant des formes improbables. Jamais, pas même dans les meilleurs orgasmes, je n’ai retrouvé cette sensation de plénitude indéfinissable, être une et pourtant deux. C’est le seul moment de mon existence où je me suis trouvé belle. D’ailleurs, je rayonnais, on me l’a souvent dit.
J’ai toujours voulu des enfants, j’en voulais même beaucoup. Une cinquaine ne me faisait pas peur. J’ai souvent plaisanté sur le fait de n’en avoir "que trois".
Aujourd’hui que je suis une vieille dame - trop vieille en tout cas pour redevenir maman - je dis Merci.
Merci à toi la Vie qui par trois fois m’a offert le plus beau des cadeaux.
Merci à toi la Vie qui a permis que je ressente cette sérénité inouïe d’être pleine. Une plénitude indicible, liquide, ininterrompue, une plénitude composée d’ondes sans limites qui s’ajoutent, s’ajoutent, jusqu’à ce que cela remplisse tout, le ventre, la tête, le corps, la vie. Ma mémoire impuissante et frustrée se rappelle de cette sensation si puissante et si douce, mais ni ma tête ni mon cœur ni mes mots ne peuvent plus la décrire…
dessin: moi
(il y a longtemps)