La saveur de revivre (Praline et Ambre)
"jeu des citations"
la photo est de Praline
‘‘ J’ai reçu les cadeaux les plus précieux qui soient : des compliments, des sourires, des bisous. Le plus onéreux des cadeaux, enrubanné argenté-doré serait fade sans la présence affectueuse de ma tribu, sans mains à caresser, sans joues à bisous, sans mots d’amour pénétrant jusqu’au fond de mon cœur.
Je n’ai pas pour habitude de dresser le bilan d’une année qui s’achève. J’ai appris à ne plus trop regarder en arrière, à ne pas ressasser le passé sauf pour y piocher les éléments positifs qui me porteront demain. Je ne me plains pas de ma vie, je ne suis pas envieuse de qui ou quoi que ce soit, oh je ne suis pas toujours sereine, pas toujours en forme mais cela ne donne pas matière à gémir et je veille à ne pas transformer mes manques en besoins. Les manques… bien sûr que j’en ai, je pense surtout à mon mari et à ma maman, ils ont tant marqué ma vie, on s’est tant aimés, comment ne me manqueraient-ils pas ? Passé l’infernal temps du deuil, quand lentement je suis remontée du trou profond dans lequel j’étais tombée, j’ai retrouvé la saveur de revivre. Maintenant ils sont là, au chaud dans mon cœur et m’aident, maman avait un optimisme sans faille et mon mari aimait me voir sourire et rire. Je suis heureuse. Car je le veux et m’y applique. [clic]
Pour moi, ce fut le contraire, j'ai passé ma vie à regarder en arrière, et je ne suis pas sûre que ce fut un "choix". Je suis même sûre que ce n'en fut pas un. Il y avait comme dans la plupart des familles des choses tues (et qui nous tuaient) et avec le recul je me dis aujourd'hui que ce n'est pas un hasard si toute jeune déjà, je fouinais, fouinais, fouinais dans ce passé qu'on me cachait. Après la mort de ma mère, j'ai revécu en rêve, ou devrais-je dire en cauchemar, toute mon enfance, tout ce qui avait été douloureux, étouffant, asphyxiant dans mon enfance. J'ai pleuré sans discontinuer pendant deux ans. Ce "lessivage" que je n'avais pas choisi a fait jaillir toutes les colères, toutes les rancoeurs, tout ce que je n'ai jamais pu dire à mes parents, par peur, ou par amour (pour ne pas les blesser). Et mon grand chagrin par la suite a été de ne comprendre qu'après leur mort, surtout celle de Maman à qui, curieusement, j'en avais voulu beaucoup plus qu'à mon père, à comprendre, disais-je, comment "ils en étaient arrivés là".
Ma sœur a toujours adopté un chemin qui semblait inverse au mien. Peut-être comme le tien, Praline ? Ne pas regarder en arrière, et, pour reprendre ses propres mots, "oublier le passé, le bon comme le mauvais" !
Comme je l'ai admirée d'avoir eu le courage de partir ! mettre tant de kilomètres entre nos parents et elle ! moi je suis toujours scotchée aux miens : Pot-de-Colle, disait ma mère.
Cependant je ne me plains pas non plus de ma vie. Certes, et là c'est un choix, j'ai fait le deuil de la vie que j'aurais pu vivre, que je rêvais de vivre, et que je n'ai pas vécue, parce que l'impératif était de survivre, donc de comprendre. Casser à coups de pioche les rocs lourds qui nous empêchaient de respirer, moi, mes enfants, jusqu'à ce qu'eux aussi fassent le chemin qu'ils avaient à faire.
Et là je ne peux que saluer leur courage, le même que celui de ma sœur finalement, d'avoir réussi à s'extirper de la glu, malgré l'amour qu'on porte, malgré la culpabilité, malgré tous les malgré. On fait tous ce qu'on peut, et je me rappelle, au milieu des cascades de larmes que j'avais versées quand mon fils est parti, en fait quand chacun de mes enfants est parti, car les trois départs se sont tous faits dans la douleur (comme le mien de chez mon père, finalement), du bonheur paradoxal, du soulagement incommensurable, comme une grande respiration, que j'ai ressenti qu'il ait réussi à partir. À vivre sa vie.
La saveur de revivre.
Bravo, mes enfants.
Vous êtes les meilleurs.