Lorsque mes petits-enfants étaient encore de tendres et innocentes têtes blondes et que je n'étais pas obligée de monter sur un escabeau pour leur adresser la parole, ils venaient à la maison à chacune des vacances scolaires, ce qui me donnait diverses occasions de m'arracher les cheveux (ce qui explique qu'aujourd'hui, je n'en ai plus un seul), comme ce soir d'octobre où il pleuvait à fendre l'âme et où les chers petits m'avaient supplié d'aller faire "une bataille de feuilles mortes" ..
"Oh ouiiiiii Mamy s'te plêêêêêt !!!! Ça va être trop bien !"
Ce fut trop bien en effet, surtout pour la machine à laver qui avait bien montré sa désapprobation de devoir faire des heures sup' après ladite "bataille de feuilles mortes" sous une pluie torrentielle ! (Dans le genre nous avions eu aussi la luge sur sacs poubelles un soir de neige, avec atterrissage dans gadoue neigeuse, etc etc)
C'est à cette époque que j'avais pris l'habitude de leur raconter des histoires, au début au pied levé, ensuite je les préparais, comme à l'école, sur le thème de la saison en cours. Par exemple, en cette période je leur parlais du Samain des Celtes, ce qu'on appelle aujourd'hui Halloween (j'adore la civilisation celtique, bilan mes petits-fils sont incollables sur le sujet).
Que je vous narre comment tout a commencé.
C’était un soir, au moment du cérémonial du coucher. Les garçonnets avaient enfilé leur pyjama (i.e. chahut, cris et jetages de vêtements en l’air pendant quinze minutes minimum), préparé leurs vêtements pour le lendemain (i.e. souk dans le sac que leur mère avait préparé avec soin et amour, surtout le cadet, qui est extrêmement coquet et n’est absolument ja-mais satisfait des vêtements qu’il y trouve : le nounours sur son T-shirt est trop nul, le pantalon a une toute petite tache sur la fesse droite, la couleur des chaussettes ne va pas avec celle du pull, etc); lavé leurs mains et leurs dents.
Soudain, le cadet s’aperçoit qu’il s’est décoiffé en passant sa veste de pyjama par-dessus sa tête ! DRAME ! Il se vide donc aussitôt sur le crâne le tube de gel coiffant que je retrouverai partout, sur les peignes, sur le tabouret de la salle de bain, sur les poignées de porte et même sur ma brosse à dents (?). Ça collera partout, une horreur !
Bref, voyant mon cher petit-fils avec des cheveux dressés tout autour de la tête comme s’il avait été électrocuté, et après un moment d’attendrissement bien compréhensible (coiffé ainsi, on aurait dit moi !) la colère m’avait prise à l’idée que cette pâte visqueuse puisse ruiner imprégner le drap fleurant bon la lavande avec lequel je venais de me donner tant de mal à enrober son matelas, et je m’étais mise à crier avec toute la merveilleuse autorité dont je suis capable : " VA M'ENLEVER ÇÀ TOUT DE SUITE !".
Certains de mes lecteurs, à coup sûr, seront outrés et révoltés de l’insupportable violence de cette description : je faisais la fine bouche alors que j’avais la chance rare d’avoir deux petits-fils artistes (ils avaient intégralement repeint la glace avec le dentifrice à la fraise), et un troisième qui était en passe de devenir le plus grand des fashion-addict. Je sais, c’est cruel, mais je ne pouvais me résoudre à suivre à la trace mon coquet cadet. Je tentais donc un compromis risqué : "Si tu me laisses te rincer la tête, je te raconte une belle histoire !".
"D’accord !" avait rétorqué le loustic devant mes yeux interloqués qu’il ait cédé aussi rapidement (je craignais le pire).
Et c’est comme ça que je me retrouvais avec mes trois têtes blondes alignées en rang d’oignons sur mon lit (dont une avec les cheveux dégoulinant sur ma couette), leur petit visage angélique levé vers moi en attendant l’histoire promise qui leur permettrait de faire de doux rêves (pour la première histoire – improvisée - ils m’ont réclamé Jeanne d’Arc :
"OH OUI MAMY, JEANNE D'ARC !!! ELLE S'EST FAIT BRÛLER, C'EST TROP BIEN !!!"
Vous êtes comme moi, hein, consternés !
Le pire, et que j'ai expliqué de mon mieux à ma descendance dès qu'ils ont eu l'âge de le comprendre, c'est que cette pauvre Jeanne a brûlé, ça on le sait, mais ce qu'on sait moins, c'est que ses cendres ont été brûlées encore deux fois, pour qu'il n'en reste rien, et ce rien a été jeté dans la Seine. Car sous ses airs d'abominable torture physique, le bûcher a aussi été une abominable torture morale : celle d'ôter tout espoir de résurrection, faute d'ossements ressuscitables (si vous voulez aller cracher sur la tombe de Cauchon, rendez-vous à Lisieux, il y repose toujours).
●•٠·˙. ˙·٠•●
Si vous êtes sages, demain je vous montre le texte sur Samain.
D'ici là, je vous fais une nouvelle proposition, très honnête : il s'agit pour vous de me parler de votre rôle de grand-parent, de vos petits-enfants, d'évoquer des souvenirs, d'égrener vos moments présents avec vos chers petits, le sujet est vaste, et libre !
Je sais : le jeu en cours (les ancêtres) est en cours.
Eh bien justement, j'innove. Et comme ça, vous avez plein de temps pour préparer votre texte !
Je compte sur vous ! Et je compte aussi sur la participation des primo-grands-mères !
Sur ces bonnes paroles, je vous laisse, j'ai de la cuisine à faire. Demain, je dois aller avec ma fille visiter mes chers parents et leur amener quelques fleurs.
Belle journée à tous !