Le pain de la vie
Exercice d'écriture du lundi
‘‘Vivre dans le passé”: voilà une réflexion que l’on me fait souvent, toujours de manière négative et blessante, comme si c’était une tare. Or, premièrement, je ne vis pas dans mon passé, c’est mon passé qui vit en moi, ce qui n’est pas du tout pareil.
Deuxièmement, nous ne sommes pas tous égaux face aux choses de la vie. Quelque chose de fragilisant pour l’un sera un moteur pour un autre, et inversement. Nous ne développons pas tous les mêmes possibilités parce que nous sommes tous différents.
Or pour moi, le passé est une force, une source vive à laquelle je puise. C’est lui qui me rappelle où j’en suis, le chemin que j’ai parcouru, et celui qu’il me reste à faire. C’est lui qui m’indique si je suis en train de me planter ou si je suis sur la bonne route. Lui aussi qui continue de m'apporter de merveilleuses surprises.
Comme un sculpteur, je prends la glaise de mon passé, je le pétris et je lui redonne vie. Je le déroule comme un ruban, traversant les siècles, faisant renaître sous les yeux de mes filles émerveillées les gens qui se sont aimés il y a tellement longtemps, mais sans qui ni elles ni moi ne serions là. Je m’y plonge, je m’y offre, je m’y noie avec passion. Je recherche la musique, leur musique, pour décrire avec leurs mots à eux, les images de leur temps, ce temps où il n’y avait rien mais qu’on faisait avec.
J’entre dans la musique des temps anciens, ou plutôt c’est eux qui m’emmènent, avec leurs bruits, leurs odeurs, leurs émotions et leurs chagrins. Et avec eux nos parents, nos frères et nos sœurs, les voisins et les amis, les hivers lorsque les vieux se brûlaient les doigts à l’âtre des veillées, le vert du printemps qui renaissait avec les tendres dragues de ces lointaines époques où les gars et les filles s’essayaient avant de s’unir pour une vie entière .. il y a tant à dire, tant à découvrir de ces gens qui travaillaient la terre pour y faire pousser le pain, le pain de la vie, le pain de notre vie.
À la recherche du temps passé, rien n'est jamais fini...