Comme des cadeaux précieux
Sur une proposition d'écriture de M. Le Goût
Cette image me fait penser à l'Italie, ce pays plein d'odeurs, de couleurs merveilleuses, ce pays qui était la passion folle de mes parents ..
L’Italie, c’était notre Eldorado, je me rappelle après avoir franchi la frontière, gamine, je me ruais sur le sol pour l’embrasser, ah que je t’aime Italie que je t’aime ! Et je me relevais les doigts pleins du goudron fondu par la chaleur. Dans les années 60, passer la frontière ce n’était pas rien, une file interminable de voitures qui attendaient leur tour, Papa au volant de sa 404, la remorque aux fesses, oui parce que les premières années c’était la remorque, blindée à mort, pas les moyens d’avoir une caravane, enfin ils l’ont eue mais un peu plus tard à l’occasion d’un petit héritage. Non là, on n’en était qu’à la remorque, même qu’une fois il a fallu tout déballer, absolument tout, et comme il n’avait rien trouvé, le douanier s’en était pris à mon petit carnet, sauf qu’à cette époque je ne savais pas écrire, alors lui, il a cru que tous ces signes c’était des codes, qu’on était des espions ou quelque chose comme ça.. Mes parents s’étaient étonnés de ce professionnel acharnement, mais rien n’a jamais pu entamer leur joie de partir et ils avaient remballé la remorque et mes carnets éparpillés en sifflotant ..
Ma mère, un vrai sirop de la rue, à 16 ans le sac à dos avec sa petite tente, après elle a contaminé mon père, lui qui ne connaissait que ses Sables d’Olonne.. On partait les deux mois, juillet avec ma mère seulement, on n’allait pas loin pour que Papa puisse nous rejoindre le week-end, août c’était les congés du père et c’est là qu’on partait pour l’Italie, toujours quelque chose qu’on n’y connaissait pas, et même si on connaissait on y retournait parce que c’était tellement beau, l’Adriatique et le ciel bleus à l’infini ! Les cloques qu’on se chopait au soleil, la peau du dos en lambeaux, impossible d’y poser le drap de couchage ! Trois jours plus tard on était cuits comme des pains d’épices, et à peine in piedi on courait plonger trois, dix fois dans il Mar Adriatico, Tirreno, Ligure, ce qui fait que tout le temps on avait du sel sur les bras à lécher avec délice ..
Et puis la langue italienne, cette langue qui me fait fondre comme de la crème, depuis cet Italien, un Italien de l’Italie, il s’appelait Ugo.
Était-ce à Fano, à Rimini, à Senigallia ? Je ne sais plus, je me rappelle juste de mes 13 ans, de ses 18, du petit bal dans la nuit tiède et parfumée, ma tête posée dans le creux de son cou et ses mots qui s’égrenaient, toutes ces choses qu'il m'a dites comme des cadeaux précieux, du miel sur ma peau des caresses de plume, il me déshabillait de mots pour me vêtir des siens, et ça éclipsait tout, ça bruissait, je faisais un pas, ça ondulait, un peu d’élan et je me serais envolée.. Alors forcément, j’avais bien été obligée de gémir et de gémir encore, alors évidemment mes jambes avaient ployé et toute ma vie avec, je me tenais aux mots, à ses cheveux dorés qui sentaient si bon, je les tenais fort comme une rassurance dans cette perdition, et je respirais à petits coups, pour trouver la force de ne pas être forte, de n’être rien, rien qu’une petite nana recroquevillée dans des mots..
Je repense à tout ça et je me dis, mon Dieu, quelle chance j’ai eue.. Des parents vagabonds, et qui aimaient la mer, et qui aimaient la route... Je sais, c’est loin tout ça et maintenant je ne pars plus, mais mes parents m’ont donné ça, c’est tellement merveilleux. Merci à vous, Papa, Maman, où que vous soyez, petits papillons blancs dans le soleil d’été.