Tant d'amour
Ma fille me fait un geste discret. Je la suis dans sa pièce à tout faire. Elle saisit une boîte, je la connais, c’était la boîte à couture de ma mère.
Elle soulève le compartiment, me tend quelques feuillets. Des feuillets cachés là par ma mère. Quand ? Je ne me rappelle pas de lettres de mes parents à cet endroit.
Je les glisse dans mon sac.
Brusquement, un clash entre ma fille et un des garçons.
Des cris. Tant de violence. Des larmes. Les miennes me montent aux yeux.
Donc, je ne sais faire que ça ? Subir, pleurer ?
Je fais ce que je n’ai jamais su faire. Je prends l’enfant par la main. Ce grand enfant qui n’en est plus un.
On va dans le jardin. Il ne cesse de pleurer.
Je ne l’aime pas. Je ne l’aime pas. Je ne l’aime pas.
Il ne sait pas qu’un jour, les mères ne sont plus là. Que les mots que l’on dit, on peut les regretter.
Bon sang, que faire ?
Je pense aux baffes. Aux bleus de ma sœur.
Je pense chez moi aux portes dégondées.
La violence est-elle une fatalité ?
Ce soir, il dormira à la maison. Demain, on pourra parler. Dire, au moins essayer, de comprendre ce qui se cache derrière les mots mouillés.
Puis, pour lui, c’est l’heure de rentrer.
Seulement alors, mes larmes se mettent à couler. Je vide mon sac.
Les poèmes de mon père ! Je les avais oubliés.
Entre mes mains, je déplie les papiers.
Trois cœurs, un seul amour,
Les fleurs du printemps
Ont fructifié
Et ce fruit dort près de nous.
Et, entre parenthèses, rajouté de la petite main fine de ma mère,
mon prénom.
Tant d’amour. Et tant de violence.