Lourd comme un cheval mort
Ya des trucs, c’est à se demander à qui ils prendraient la tête si je n’existais pas.
C’était il y a quatre jours, j’me dis comme ça : tiens ! Si je faisais un nouveau bouquin pour mes chouchous petits-fils qui adorent être les héros de mes livres?
Je me connecte donc sur TBE, vu que maintenant, c’est joie inexhaustible de savoir que, par ma seule présence, les fichiers .doc se transforment miraculeusement en .pdf.
Alors pour ceux qui ne connaissent pas ce site, pour créer/modifier/acheter ses propres livres après s'être connecté on clique sur "Créer un livre".
Donc je clique.
Je choisis le format, la catégorie, etc. Me voilà à la page de téléchargement du fichier.
J’envoie mon .doc.
Et là surprise : il ne se passe rien.
En fait pour être plus précise, ce n’est pas qu’il ne se passe rien, c’est plutôt que le .doc rame, rame, rame, au lieu d’arriver au bout du truc censé le permuter en .pdf en deux minutes trente-trois.
Imaginez ce que ça pouvait me faire, à moi une faible femme, en plus avec tout un pan de cerveau encore en plein sommeil paradoxal - puisque c’était au lever du jour, quasi - imaginez donc ce pauvre .doc perclus de rhumatismes, essayer de gravir avec son bâton tordu les marches qui étaient censées me mener à la gloire et qui au lieu de ça semblaient peser sur son corps, lourd comme un cheval mort..
Pour commencer, je me suis dit que le site buguait, parce que je ne voyais vraiment pas pourquoi il aurait bien voulu de mon .doc les autres fois et pas cette fois-là, ce qui ne m’a pas empêché de trépigner sur ma chaise au lieu d’attendre comme la mûre femme que je suis censée être.
Au bout de dix minutes (DIX MINUTES ! Vous imaginez ?), j’ai tout quitté.
Ce fut le premier jour.
Le lendemain, rebelote :.doc envoi.
Même manip, même résultat. Vingt minutes de ramage cette fois. Alors moi: déconnexion, reconnexion. .doc envoi, suppression, prières diverses, danse indienne autour du PC, encouragements joyeux ("Allééé! Allééé!! Allééééééé!!") avec poing levé à l’appui, persuadée que le .doc allait avancer mieux si je lui criais le chemin (en pure perte ! Au bout de trente minutes il en était toujours au même point !), consternation. Je commençais à me raidir d’effroi, prête à chanter "Il venait de nulle part, surgit un aigle noir".
J’ai contemplé avec désolation la dizaine d’essais inachevés qui auraient tout donné pour être lus du grand public (j’ai fichu une pagaille sans nom sur mon compte, mais passons !) avant de me déconnecter du site.
Ce fut le deuxième jour.
(Je suis sûre que vous avez hâte de connaître la suite, je vis une existence tellement passionnante !) Donc, je passe au troisième jour (hier).
Je me connecte sur TBE. Sait-on jamais. Ils ont eu largement le temps, en deux jours, de se rendre compte de la perte incommensurable que mes écrits non publiés seraient pour la littérature française, et tout va fonctionner merveilleusement.
Je clique donc sur la création de bouquins. Me voilà sur la première page : "Choisissez votre reliure".
Et là – je sais, vous n’allez pas me croire - que découvre-je ?
R.I.E.N.
LE BLANC LE PLUS TOTAL.
Il n’y a plus aucune reliure. Il n’y a absolument plus rien.
Du blanc intersidéral.
Complètement affolée, je clique sur "Vos livres" : page blanche.
Pourtant, j'en ai quand même écrit vingt ! VINGT ! Où sont-ils passés ? Un, je ne dis pas, trois à la rigueur.. Mais vingt ?
Je vais sur le catalogue TBE, et je tape Ambreneige.
Plus d'Ambreneige. Disparue.
Mon Dieu.
Où suis-je passée ?
Qu’est-ce que c’est encore que cette aberration informatique aussi incompréhensible que le .pdf ?
Et à quoi me sert d’avoir fait de tels progrès en patience, si ce n’est pas pour avoir une petite récompense? Oh, bien sûr, on me dit encore souvent parfois que je ne sais pas attendre, que je veux toujours que ce soit fini alors que je viens juste de commencer, et patati, et patata. C’est très exagéré. Les gens sont d’une parfaite mauvaise foi ! S‘ils me connaissaient mieux ils ne diraient pas des choses pareilles. C’était le troisième jour, purée ! LE TROISIÈME !!
Bref. Ce matin, complètement déprimée après un ultime essai infructueux, à genoux et les yeux implorants, je chantais devant mon PC
Ôôô TBE si tu savais
Tout le mal que tu me fais
Ôôô TBE si je pouvais
Dans tes bras nus me reposer ..
quand j’ai entendu le petit gling significatif de l’arrivée d’un message..
« Bonjour,
le service Technique est intervenu.
Nous vous invitons à re-essayer l'envoi.
Cordialement,
Le service client »